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Le prince des ténèbres

Le prince des ténèbres

Titel: Le prince des ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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mois ?
    Le père Reynard fit une grimace.
    — Les routes sont dangereuses, parfois.
    — Vous avez vu les cadavres ? Pourriez-vous les décrire ?
    Le prêtre prit une profonde inspiration.
    — L’adolescent était âgé de seize ans, tout au plus, cheveux noirs, teint mat… On lui avait tranché la gorge comme à la jeune femme. Il ne portait ni bijoux ni vêtements. Sa compagne devait être un peu plus âgée et, elle aussi, était brune.
    Le franciscain fit une légère pause.
    — C’était peut-être des étrangers.
    — Qu’est-ce qui vous fait supposer ça ?
    — Leur peau foncée. Ils étaient de bonne naissance également, ce qui m’a surpris.
    — Qu’entendez-vous par là ?
    — Eh bien, les mains de la jeune femme étaient douces et très soignées. Elles n’avaient jamais eu à faire de grossiers travaux. Je m’en suis aperçu lorsque je les ai ointes pour l’extrême-onction. Même chose pour les pieds. La peau en était lisse, sans cals, comme si la dame avait toujours porté chausses et chaussures. Ses cheveux étaient souillés de boue, mais ils avaient connu le peigne et les huiles parfumées. Je me suis étonné que la disparition d’une dame de la noblesse ne donne lieu à aucune recherche de grande ampleur.
    Corbett se souvint de la devise sur le collier du chien.
    — L’expression Noli me tangere vous dit-elle quelque chose ?
    Le père Reynard eut un geste de dénégation et s’agita nerveusement sur son banc.
    — Vous êtes sûrement venu parler d’autres problèmes, Messire ?
    — En effet.
    Le clerc fixa un point au-dessus de la tête du franciscain.
    — Eh bien ?
    — Le soir du décès de Lady Aliénor, vous êtes bien allé à Godstowe pour lui donner l’extrême-onction ?
    Le prêtre acquiesça.
    — Et ensuite ?
    Corbett surprit une lueur de méfiance dans le regard de son interlocuteur.
    — Je suis revenu ici, marmonna-t-il.
    — Non ! le contredit Corbett. Vous avez pris un cheval à l’écurie de la taverne et vous vous êtes rendu à Woodstock pour annoncer cette nouvelle !
    — Je ne veux rien avoir à faire avec le prince ou son sodomite !
    — Oh, pas avec le prince, rectifia Corbett, mais avec votre ami fidèle et votre bienfaiteur, Monsieur Amaury de Craon, qui vous a envoyé un message secret, vous signalant qu’il était au palais. Vous voyez, mon père, il y a quelque temps, Monsieur de Craon essaya d’entrer au prieuré, mais s’en vit refuser l’accès. Il se mit alors en quête de quelqu’un susceptible de le tenir au courant de ce qui s’y passait, en particulier des faits et gestes de Lady Aliénor. Il voulait une personne de confiance, une personne qui obtiendrait ce genre de renseignements, et il vous a choisi.
    Corbett nota que le franciscain avait blêmi.
    — Après avoir été refoulé de Godstowe, il est venu ici et vous a offert de l’or et de l’argent pour votre église et vos paroissiens. Et vous l’avez pris. Pas pour votre compte personnel, ajouta doucement Corbett, mais pour vos aumônes. Après tout, que pèsent, aux yeux d’un prêtre, les ragots des princes et de leurs maîtresses ? J’ai raison, n’est-ce pas ?
    Le franciscain mit ses mains sur la table et courba la tête.
    — Eh bien, mon père ?
    — Vous ne vous trompez pas. Ce que vous avez dit est proche de la vérité. Craon s’est montré charmant. Il payait rubis sur l’ongle de simples commérages.
    Le franciscain leva les yeux.
    — Vous avez vu la pauvreté des paysans, Messire, les richesses du prieuré, l’opulence du palais… Les gens là-bas n’en ont cure, ils ne craignent pas Dieu. Craon ne vaut pas mieux qu’eux, mais lui, au moins, m’a donné de l’or. Pas pour moi, s’empressa-t-il d’ajouter, mais pour la veuve qui a des bouches à nourrir ou le garçon qui veut faire des études. Je ne suis pas un espion !
    Malgré sa pitié, Corbett se força à ne pas faiblir.
    — Si les sergents royaux ou les juges du Banc du Roi vous entendaient, assura-t-il, ils vous accuseraient de trahison. Car, mon père, correspondre avec nos ennemis d’outre-Manche, c’est de la haute trahison !
    — Je ne suis ni espion ni traître ! soutint le prêtre d’une voix égale. Avez-vous jamais vu une femme et son mari traîner eux-mêmes la charrue parce qu’ils ne peuvent pas se payer de boeuf ni de cheval, pendant que leur bébé gisant près d’une haie, enveloppé de guenilles, suce une croûte de pain et geint,

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