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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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la somptuosité catholique, la parcimonie
huguenote.
    Henri de Navarre, ayant fait signe à
sa suite de s’arrêter, s’avança seul sur son cheval blanc comme pour se mettre
ès mains du représentant de son Roi et témoigner devant tous de la fiance qu’il
lui faisait. Quoi voyant, Épernon arrêta aussi les siens et s’avançant de son
côté vers Navarre sur son beau genet d’Espagne, lui ôta son chapeau à plumes et
Henri s’étant lui aussi découvert, ils conversèrent quelques minutes à la
manière des princes, qui ne se contentent pas d’être aimables l’un envers
l’autre, mais veulent aussi montrer au monde qu’ils le sont.
    Cet entretien fini, Navarre tourna
bride et revint vers les siens, lesquels avec lui prirent au trot le chemin de
Pamiers, et y advinrent bien avant nous, leur équipement étant si léger. On
observera qu’Épernon n’avait pas eu à confier à Quéribus sa coutumière mission
d’avant-garde, le gîte à l’étape devant être préparé par Navarre, puisqu’il
était chez lui.
    Navarre, à ce que j’opine, dut
quelque peu se réfléchir sur la pauvreté de son escorte, car au lieu de nous
attendre à cheval à la porte de Pamiers, il démonta, et nous espéra à pied,
entouré d’une douzaine à peine de gentilshommes et de gardes, et sans aucun
faste ni apparat, comme pour marquer que sa royale majesté n’en éprouvait pas
le besoin et qu’il entendait recevoir le Duc, comme le premier bourgeois de sa
ville, à fraîche et gaillarde gueule.
    Épernon qui était, comme son hôte,
gascon, comprit fort bien la subtilesse d’Henri de Navarre qui, ne pouvant
point le lui disputer par la splendeur, voulait emporter la palme par la
simplicité et, se pliant souplement à la fine intention du Roi, démonta
aussitôt, jeta la bride à son valet, (et encore que le soleil, en ce midi, eût
assez de force pour cuire un œuf) ôta son chapeau à plumes, et s’avança à pied
et le chef nu, sur la route pour rendre hommage à l’héritier présomptif,
lequel, charmé qu’il l’eût si bien entendu, vint à son encontre, lui donna une
forte brassée et, le prenant familièrement par le bras, l’introduisit dans la
ville où, par bonheur pour le Duc qui allait toujours découvert, les maisons
lui apportèrent une ombre fraîchelette en même temps qu’un peuple en liesse et
fort vociférant acclamait tout ensemble le Roi de Navarre et, en sa propre
personne, le Roi de France.
    Les princes ne pouvant décemment
aller à pied, et les gentilshommes à cheval, ceux de la suite d’Épernon
laissèrent leurs montures aux valets et flageolant sur leurs gambes, la trotte
ayant été fort longue, s’engouffrèrent, la fesse lasse, par la grand’porte de
la ville, Giacomi et moi-même jouant du coude pour nous pousser au premier rang
dans l’avidité où nous étions de voir et, se peut, d’ouïr le Béarnais.
    À dire le vrai, il ne me parut pas
fort changé, encore que douze ans se fussent écoulés depuis que j’avais
cheminé, à son côté, du Louvre au logis de Coligny en la nuit qui précéda le
massacre des nôtres, sauf qu’il me parut plus petit que dans ma remembrance,
impression qui était due peut-être au fait qu’Épernon marchait à son côtel.
Mais c’était toujours le même long nez dans une longue face, le même œil vif,
l’air bonhomme et la lèvre gaussante. Et encore qu’il eût fait quelques frais
de vêture pour recevoir le Duc, ses manières promptes et frustes sentaient
davantage le soldat que le Prince. Cependant, on voyait bien qu’il n’était pas
homme non plus à se laisser morguer et qu’il avait cette fiance en soi que
donnent l’habitude de commander et l’aptitude à agir.
    Poussant comme j’ai dit au premier
rang, je vins à heurter une montagne d’homme qui se trouvait derrière le Roi et
portait la livrée jaune et rouge et ses gardes (rouge pour Navarre et jaune
pour Béarn) lequel, à se sentir ainsi toqué sur ses arrières, tourna à demi la
tête et dit :
    — Herrgott ! Prends garde,
Mensch !
    Et moi, fort saisi par cette voix
dont je reconnaissais tout soudain le timbre, je saisis le bras du géant de mes
deux mains pour l’amener à me montrer sa face, ce qui n’eut pas d’autre effet
que de lui faire lever le bras et moi-même à ce bras agrippé, mes pieds
quittant le sol. Mais ce faisant, il ne put qu’il ne jetât un œil par-dessus
son épaule et à son tour me reconnaissant, poussa un cri qu’on eût

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