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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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fuir par la porte, dès que j’aurais déclos le contrevent,
ce que je n’eus garde de faire, mais me cachai sous le lit pour bien rire à la
farce. Havre de grâce ! Je crus que leurs épées allaient trouer la coite
et me pourfendre vive ! Et pensez, Monsieur, que mon corps de cotte et mon
cotillon étant restés sous le drap, je mourais de peur qu’ils n’allassent
mettre le nez dessous le lit et me dépêcher. Mais ils n’y pensèrent point, la
Dieu merci, étant tout occupés à fouiller les bagues.
    — Ils ne s’en saisirent donc
point tout de gob ?
    — Nenni. Ils ne les emportèrent
qu’à votre toquement.
    — Giacomi, dis-je en italien,
il est clair que ces spadaccini cherchaient la lettre.
    — Monsieur, dit Marianne qui me
parut reprendre couleur et assurance, j’entends l’italien, ma mère étant de
Florence. Et je sais ce qu’il en est de la lettre, ayant vu dans le miroir le
goddam la cacher pendant que je me dévêtais.
    — Et où est-elle ?
    — Vous le dirai-je, dit-elle en
relevant la crête, avant que vous me promettiez de ne point me livrer au
prévôt ?
    — Tudieu, criai-je encoléré,
que voilà une froidureuse garce ! On tue un gentilhomme à son nez et elle
barguigne comme la Florentine.
    — C’est que je suis florentine,
dit Marianne sans battre un cil.
    — Friponne, dis-je, si je te
livre, la torture t’ouvrira les lèvres !
    — Mais point devant vous
seulement, dit Marianne qui paraissait avoir plus d’esprit que je ne l’aurais
gagé.
    — Giacomi, dis-je en latin,
qu’es-tu apensé de cette garce ? N’est-elle point trop maline pour être
honnête ? Crois-tu son conte ?
    — Si elle était sotte, je le
croirais, dit Giacomi, cicéronant à son tour. Mais d’un autre côtel, si la
lettre est le secret d’État que tu dis, peut-on laisser le prévôt de Mâcon s’en
saisir ? J’opine donc qu’il faut traiter.
    — Mais pas avant, criai-je,
d’avoir attenté d’emporter la place à la fureur !
    Et empoignant tout soudain Marianne
par ses longs cheveux, je menaçai sa poitrine de mon épée nue.
    — C’en est assez !
criai-je d’une voix forte, pas de barguin ! Parle, si tu veux vivre !
    — Monsieur, dit Marianne avec
un soudain sourire, vous vous gaussez ! Iriez-vous occire une femme, vous
qui déjà répugnez tant à la laisser pendre ?
    — Mon Pierre, reprit Giacomi en
latin, la garce a pris tes mesures en un clin d’œil et pour ce qui est de la
connaître, elle est plus profonde que nous ne la pouvons jauger. Je ne sais
véritablement qu’en penser, sinon que si elle était connivente à ces
meurtriers, elle leur eût dit où s’encontrait la lettre, puisqu’elle a vu
Mundane la cacher.
    La justesse de cette observation me
frappant, qui paraissait disculper Marianne, j’eus la faiblesse une fois de
plus de ne pas écouter mon intime sentiment qui m’inclinait tout au rebours, et
résolus de laisser la donzelle libre, pour peu que j’eusse d’elle la lettre. En
quoi j’errai misérablement, comme la suite le montra bien.
    — Garce, dis-je, barguin
conclu : la lettre contre la liberté.
    — Monsieur le Chevalier, dit
Marianne m’envisageant œil à œil, ai-je là-dessus votre parole de gentilhomme ?
    — Tu l’as. Et d’où sais-tu,
repris-je tout soudain, que je suis chevalier ?
    — J’ai ouï le sergent des
gardes vous appeler ainsi, dit Marianne promptement.
    Et encore que la chose fût possible,
je ne la crus pas, mais passai outre dans l’impatience où j’étais d’avoir cette
lettre qui touchait aux intérêts de trois royaumes, car combien qu’elle fût
adressée par Navarre à la seule Elizabeth, je ne doutai pas qu’il y fût
question de mon maître.
    — Le goddam a placé la lettre
sous le coffre que voilà, dit Marianne d’un air fort mal’engroin, comme si elle
eût autant rechigné à me livrer la lettre que moi-même, à libérer sa personne.
    Le coffre se trouvait si grand et si
lourd, étant aspé de tant de ferrures et de barres que, saisissant sa poignée,
je faillis à le soulever du tout, quelque effort que j’y fisse, et dus appeler
Giacomi à mon aide, fort béant que Mundane eût réussi seul cet exploit.
    — Tant promis, tant tenu,
Marianne, dis-je, la lettre en main. Tu as ton congé.
    — La merci Dieu et à vous,
Monsieur le Chevalier, dit Marianne en me faisant une déférente révérence qui
démentait son œil, lequel ne me parut ni tendre ni

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