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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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dit
Chicot. Serais-tu donc le seul ? Au reste, il va te recevoir, dès qu’il
aura fini de dévider la quenouille de ses péchés dans l’oreille du Père Auger.
    — Chicot, dis-je, toi dont la
folie est si sage…
    — Beau début, dit Chicot.
    — Apprends-moi pourquoi les
jésuites étant occupés en Londres, en Trêves, en Reims et en Rome, aux beaux
projets que nous savons, Henri ait choisi l’un d’eux pour confesseur.
    — Il y a une réponse à cela,
dit Chicot : c’est que le Père Auger est royaliste résolu, et le fut
toujours.
    — Il y a une autre réponse à
cela, dit Quéribus, c’est que les jésuites ne mettent pas tous leurs œufs dans
le même panier.
    — Vrai, dit Chicot. Mais ils
mettent neuf œufs dans le panier du Guise. Et un seul dans celui d’Henri.
    — Messieurs, dit s’approchant
vivement de nous un grand et fort chamarré courtisan lequel, si bien je me
ramentois, était Alphonse d’Ornano, je suis au désespoir de vous déloger, mais
il me faut la place pour me soulager.
    — Corse, dit Chicot, elle est à
toi, vu que tu es le meilleur des Corses, et à ton Roi si dévoué.
    — Voilà qui est vrai, dit
d’Ornano en posant en hâte ses chausses : Je donnerais ma vie pour le Roi.
    — Et ton bren à son palais, dit
Chicot.
    À ce moment, l’huis du Roi se
déclouit, et Du Halde hucha à tue-tête :
    — Le chevalier de Siorac,
médecin du Roi !
    Je fendis incontinent la presse,
contrefeignant une modeste mine, mais en mon for paonnant assez de passer sur
le ventre de ces beaux seigneurs, Chicot m’emboîtant le pas, lequel Du Halde
arrêta, quand il fut pour passer le seuil.
    — J’ai dit « le médecin du
Roi », dit Du Halde, raide comme un reître de Germanie.
    — Si suis-je, dit Chicot. Je
lui soigne l’âme.
    — Laisse-le passer, Du
Halde ! cria le Roi de l’intérieur.
    — Du Halde, dit Chicot, d’ores
en avant je t’appellerai Du Halte.
    Le Roi était debout, la main gauche
appuyée sur le manteau de la cheminée, vêtu d’un pourpoint vert pâle avec des
crevés jaunes, lequel, ainsi que ses chausses, était couvert de broderies d’or,
de pierreries et de perles en rangs innumérables. Sous sa fraise dont les
godrons étaient fort bien empesés, et du blanc le plus beau (Sa Majesté
l’amidonnait elle-même à l’eau de riz) il portait un double collier d’ambre
serti d’or, lequel, dès que je m’approchai de lui, me parut répandre une suave
odeur ; à sa main dextre, deux bagues et à sa main senestre, trois ;
à chaque oreille pas moins de deux pendants, l’un de diamants, l’autre de
perles. Sous le petit bonnet qu’il avait mis à la mode qui trotte et qui était
surmonté de deux aigrettes, ses cheveux étaient relevés en arceaux qui les
faisaient bouffer.
    Henri, qui pouvait être en son
intimité libre et rieur, comme il le fut en notre dernier entretien,
s’encontrait cette matine en ses humeurs graves, ce qui voulait dire que je ne
devais pas m’attendre à ce qu’il rît, ni même sourît ni qu’il fît aucun autre
geste que de me donner sa main dextre à baiser, sa main senestre reposant sur
le montant de la cheminée tant immobile que du marbre, le corps tant raide que
statue, et ses beaux yeux italiens, noirs, profonds et liquides, m’envisageant
à plein visage et le regard fixe, œil à œil, sans battre un cil.
    Paré comme une idole (et pour le
moins chargé d’autant de pierres, perles et bijoux que la Reine Elizabeth quand
je la vis à Londres au moment de l’ambassade qu’y fit en 1586 Pomponne de
Bellièvre), grand, élégant en sa tournure malgré l’embonpoint qui le menaçait,
la face fort belle, quoique un peu fermée et malenconique, Henri ne laissait
pas de paraître véritablement auguste comme s’il eût donné le plus clair de ses
soins à composer une image du Roi qui, par sa seule vertu, eût imposé son
autorité. Quand il ouvrait la bouche, son parler exquis donnait une grâce
souveraine à son pensement, lequel était toujours le plus avisé, le plus fin,
le plus juste, le plus à propos de tous ceux qui se trouvaient là. Enfin, s’il
se montra généreux, comme j’ai dit déjà, au-delà de tous les rois, et combla de
présents inouïs tous ceux qui le servaient, cela ne vint pas seulement de sa
complexion naturelle, mais de l’idée qu’il se faisait de sa fonction de Roi,
appelant ses serviteurs « ses enfants » (lui qui n’en avait pas) et à
eux bénin, libéral

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