Le Prince Que Voilà
qu’elle vous émeut par sa détresse ?
Au demeurant, ce drageoir me sauva
la vie comme je dirai plus tard, et sans du tout s’interposer entre une
arquebusade et moi, mais de tout autre et étrange façon, car loin de le porter
sur moi et d’en faire parade, je ne le montrai qu’à la seule Angelina quand je
retournai au logis et j’enfermai le royal présent pour ne l’en jamais retirer
dedans le tiroir secret d’un petit cabinet de merisier que je gardais en ma
chambre. Celle-ci communiquant à celle d’Angelina où, oyant qu’elle était
revenue, me sachant dans la mienne, je l’allai retrouver et, tout soudain la
prenant dans mes bras, la pressai délicieusement sur toute la longueur de mon
corps et lui fis mille poutounes au col et à l’oreille, lui adressant, entre
deux baisers, mille compliments sur sa beauté, sa bénignité, sa grâce et la
grande indestructible amour que j’éprouvais pour elle, et comme je ne laissais
pas, cependant, d’être remordi par la remembrance du rollet que j’avais joué de
Boulogne en Paris, j’attentai de fuir un sentiment si incommode dans l’ivresse
de la mignonnerie, et mon Angelina riant de l’étrangeté de l’heure, et consentant,
non sans quelque retenue et réserve, qui sont de sa complexion, je poussai le
verrou de l’huis et la menai à sa coite.
Le premier tumulte passé, nous
tombâmes dans un tendre devis où chacun ouvrit son cœur à l’autre, moi soulevé
sur mon coude, contemplant ses beaux yeux de biche, ma main posée sur son
tétin, dont je ne me rassasiais mie, tant sa forme et texture me ravissaient
toujours, je lui demandai pourquoi, alors qu’elle était tant libre et
affectionnée avec Fogacer, elle montrait à Giacomi sinon de la froidure, du
moins une sorte de distance.
— À la vérité, dit-elle non
sans quelque vergogne, je les aime autant l’un que l’autre, pour des qualités
différentes. Mais Fogacer qui fait tant le fendant et le supérieur avec les
personnes de son sexe, m’envisage continuement avec des yeux d’enfant où ne
brille pas la moindre étincelle de cet appétit que je n’aime, Monsieur mon
mari, à lire qu’en votre seule face, tant chez les autres hommes elle me paraît
grossière. Il n’en est pas ainsi de Giacomi, tout poli et courtois qu’il soit,
pour ce qu’étant raffolé de ma sœur jumelle, il ne peut que la ressemblance
entre elle et moi ne le jette en quelque confusion et ne mette parfois en sa
prunelle, à m’envisager, une lueur dont je ne peux m’accommoder.
À quoi je m’accoisai, me ramentevant
le trouble ambigueux où à Barbentane j’étais moi-même plongé au détour d’un
couloir à l’encontre de Larissa, tant est que je fus alors fort soulagé de la
voir départir, emportée dans les serres de Samarcas.
— Cuidez-vous, dit Angelina, à
observer mon silence, que nous pouvons nourrir quelque raisonnable espoir de la
voir saillir un jour des griffes de ce jésuite ?
— Je le crois. Il est manifeste
que Samarcas est connu des agents anglais, qu’il le sait, et que néanmoins, en
sa folle et fanatique intrépidité, il continue à Londres ses intrigues, tant
est qu’un jour, il ne peut faillir à tomber dans les toiles !
Mon Angelina haussa haut le sourcil
pour ce que je ne lui en avais jamais tant dit sur les entreprises de Samarcas,
lui ayant toujours celé que Mundane était un agent de Walsingham et que le
jésuite, pour cette raison, l’avait voulu dépêcher. Cependant, ses grands yeux
de biche fichés en les miens, elle ne me posa aucune question, tant elle
mettait de scrupule en sa discrétion.
— Mais, dit-elle, alarmée
assez, si Samarcas est serré en geôle anglaise, Larissa ne pourrait-elle pas y
être jetée aussi sur le soupçon qu’elle est connivente à ces
brouilleries ?
— Si cela advient, ma mie,
dis-je, je ne manquerai pas de l’apprendre. Et j’aurai alors quelque espoir de
l’en pouvoir tirer et de la ramener céans.
Et de cet espoir-là dont ne
m’échappait pas la fragilité, mon Angelina ne put qu’elle ne se contentât, et
mon pauvre Giacomi aussi, avec qui il ne se passait pas de jour que je n’en
débattisse.
Le Roi, fin mai, me commanda d’aller
soigner le Duc d’Épernon, lequel, en le méchant état où il s’encontrait,
craignant d’un côtel la naturelle mort qu’on lui prédisait de toutes parts, vu
qu’il était fort changé, et de face et de corps, et de l’autre, les
assassinements des
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