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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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de ma bonne ville de Paris de peur de n’y pas
retrouver mon gîte au retour.
    — Ha ! Sire ! dis-je,
en est-on là rendu ?
    — Et plus outre ! Les
mémoires de Mosca ne sont que roses approchées de la réalité !
    — Que donc faire, Henri ?
dit Chicot, quand on vous prend à la gorge ?
    — Machiaveler, dit le Roi.
Caler la voile. Filer menu le fil. Et quand il est filé, le reprendre. Et le
filer derechef. Et le reprendre encore.
    — Jusqu’à ce qu’il casse, dit
Chicot, lequel s’étant assis à terre à côtel de la cheminée, passait et
repassait un petit couteau sur la pierre du foyer.
    — Que fais-tu. Chicot ?
dit le Roi.
    — J’ai Guise.
    À quoi le Roi soupira, baissa son
bel œil florentin et dit à mi-voix et comme du bout des lèvres :
    — Je ne voudrais qu’il soit
jamais besoin de cela.
    Parole qui me parut ambigueuse pour
ce que dans le bon français dont mon bien-aimé souverain se piquait, il eût dû
dire «  je voudrais qu’il ne soit jamais besoin de cela  ». Il
est vrai qu’à y penser plus outre, les deux phrases n’avaient pas tout à fait
la même nuante couleur.
    — Ha ! Sire ! osai-je
dire à la fin, tant l’insolence du Guise me pesait sur le cœur, le Lorrain
est-il donc si venteux et tracasseux que le Roi de France doive caler la voile
devant lui ? Que va penser votre noblesse ?
    — Siorac, dit le Roi, en
attachant sur moi ses grands yeux noirs, as-tu lu Machiavel ?
    — Non, Sire.
    — Alors, médite bien
ceci : il y a souvent sagesse, et à coup sûr, la meilleure sorte de
vaillance, à passer pour mol et timide aux yeux du monde, si cette apparence
est utile à la fin que tu poursuis. Du Halde ! ajouta-t-il, pendant que la
chose est fraîche encore à ma mémoire, écris à mon trésorier de bailler deux
mille écus à Siorac et autant à Le Pierre.
    — Sire, dis-je, non sans
quelque appréhension d’être rebuté, que Votre Majesté me pardonne, mais je
voudrais plus et moins.
    — Plus et moins ? dit le
Roi en levant le sourcil. Chicot, entends-tu cette énigme ?
    — Nenni, Henri, à moins que la
Saignée soit friand d’une des dames d’atour de la Reine-mère.
    — Lesquelles, dit le Roi, au
poids de la morale, ne valent pas deux mille écus pièce, tant s’en faut !
Aussi bien n’ai-je pas autorité sur les putains dorées de la Reine-mère !
Laquelle si elle m’entoure déjà de ses ministres, la Dieu merci, ne me
circonvient point de ses espieurs cotillons !
    — Je n’ai appétit à personne de
chair, Sire, dis-je, mais à votre drageoir que vous m’avez quasiment offert de
me bailler en façon de troc contre Boulogne.
    — Il est à toi, Siorac !
dit le Roi, en le détachant tout de gob de sa ceinture comme s’il se fût agi du
plus balbutié brimborion.
    — Ha ! Sire ! s’écria
Du Halde avec reproche, vous donnez tout ! Mais vous ne pouvez, en bonne
usance, vous séparer de ce drageoir ! Il vous a été offert par la Reine-mère !
    — La Reine-mère est ligueuse,
dit le Roi en parlant d’un seul côté du bec, et qui sait si elle ne me le
reprendra pas un jour pour le donner à Guise !
    — Ah ! Sire ! dit Du
Halde, vous vous gaussez !
    — Plutôt que de le voir ès
poing du Guise, dit le Roi, je le préfère en les loyales mains de mon gentil
Siorac ! À la seule condition qu’il n’en fasse pas parade à la Cour, tant
que ma mère me fera l’honneur d’y avoir son logis.
     
     
    Havre de grâce ! J’avais les
pieds fort bondissants quand je quittai le Roi, le drageoir enfoui dans la plus
profonde poche de mon pourpoint et quasiment oublieux, en mon infantine
allégresse, de la malfortune du royaume. Ha ! Certes, mon pauvre oncle
Sauveterre eût dit que j’étais bien malhabile en mes barguins, puisque j’avais
troqué un drageoir de vermeil qui ne valait pas six cents écus, contre deux
mille écus sonnants et trébuchants. Tant est qu’aussi, à sa manière huguenote,
il m’eût peut-être laissé entendre qu’il se mêlait quelque terrestre idolâtrie
en le prix immense que j’attachai à cet objet pour la seule raison qu’il avait
appartenu au Roi. Mais, d’un autre côtel, quand le monarque gouverne, ès
écueils la barque de l’État du mieux qu’il est en son pouvoir, un Français
naturel, s’il aime sa nation, peut-il chérir son Prince à moitié, ou lui être à
demi fidèle, surtout quand sa personne est aimable et vous touche autant par
ses bienfaits

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