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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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détestation par le menu peuple, pour ce que nous sommes de la Sainte
Religion Catholique et qu’on nous soupçonne d’être partie connivente aux
conspirations contre la Reine. Dans les chambres et logis où vous irez, car je
ne peux recevoir céans, faute de place, que M. de Bellièvre, ayez l’œil à votre
bourse et n’allez-vous frotter aux chambrières : elles vous plumeraient
comme coquelets. Et enfin, attentez de vous payer tous ensemble, ou du moins
par bandes ès auberges, afin que vous puissiez vous entreprêter la main, si tel
ou tel était attaqué.
    Je n’eus garde de suivre ce dernier
conseil, ayant appétit à Londres à vivre parmi les Anglais et non point parmi
les Français de Paris que tant bien je connaissais pour les encontrer tous les
jours à la Cour. Et m’avisant aussi qu’il serait plus aisé au messager secret
de la Reine de me quérir directement en un logis si j’y étais seul de ma nation
qu’environné de mes compatriotes, je me donnai congé de m’en départir à
l’anglaise – ce qu’on appelle ici «  take French leave  »,
chaque peuple étant accoutumé à attribuer à son voisin ce qu’il trouve mauvais
dans les mœurs, la morale ou même les intempéries, comme on voit bien pour la
syphilis, que les Italiens du Nord nomment «  le mal de Naples  »
les Français, le «  mal italien  », et les Anglais «  le
mal français ».
    Je pris donc «  French
leave » sous le prétexte d’une malencontreuse torsion de boyaux qui me
travaillait, et enfourchant ma monture, suivi de Miroul et du cheval de bât, je
laissai derrière moi l’ambassade de France, laquelle était sise non loin du
palais de Whitehall, la plus magnifique des demeures de la Reine, et jugeant
que je ne trouverais point à me loger en ce fastueux quartier où ne se
dressaient que riches demeures en bordure de Tamise (lesquelles n’avaient rien
à envier aux plus beaux hôtels de la rue Saint-Honoré en Paris) je quis mon
chemin pour la Cité d’un galapian qui me fit l’effet d’être un apprenti et qui,
au lieu de me renseigner, me demanda de quel pays j’étais, et sur ma réponse
que j’étais français, me jeta un regard terrifié et à toutes gambes s’ensauva.
Je faillis tout autant avec une porteuse de lait qui, à être interpellée par
moi, rougit comme pivoine et, sans mot piper, me tourna la froidureuse épaule.
    — Ventre Saint-Antoine,
Miroul ! dis-je, L’Aubépine dirait-il vrai ? Les mignotes sont
glaçons en ce pays !
    — Ha Moussu ! dit Miroul
en riant, espérez un petit ! Il n’est glaçon que main et bouche ne
réchauffent et n’arrivent à fondre. Mais, attentez ce barbon que voilà. Je lui
trouve bon visage.
    — Sir, dis-je au guillaume en bridant ma monture, je suis flamand. J’adviens
ce jour des Pays-Bas et je cherche à me loger en la Cité.
    Le guillaume s’arrêta, et la mine
tant austère et sérieuse que si j’avais quis de lui un secret d’État,
m’envisagea en silence de la tête aux pieds, puis ma monture, puis Miroul, puis
sa monture, puis le cheval de bât. Quoi fait, il resta coi, et j’allais de
guerre lasse donner de l’éperon à mon cheval, quand il dit :
    — Sir, j’entends que si vous êtes flamand, vous ne sauriez aimer
Philippe II.
    — Je ne l’aime pas.
    — Ni le pape ?
    — Je ne l’aime pas non plus.
    — En ce cas, Sir, descendez à Popes Head Tavern à Cornhill.
    — Sir, où est Cornhill ?
    — Suivez le Strand, puis Fleet
Street. Continuez à l’Est derrière Saint-Paul. Traversez Cheapside. Cornhill
est là.
    — Sir, dis-je en me découvrant, je vous remercie et vous salue.
    — Sir, dit-il avec gravité en se découvrant, que Dieu vous aide et vous
protège !
    — Moussu, dit Miroul en se
venant mettre au botte à botte avec moi, j’aime assez ce gautier. Il me
ramentoit votre oncle Sauveterre.
    — Oui-dà ! Et Sauveterre
aurait certes aimé loger au Pope’s Head Tavern.
    — Moussu, qu’est cela ?
    — La Taverne à la Tête du Pape.
    — Quoi ? La tête ! La
tête seule ! l’ont-ils céans en pensée décollée ?
    — Je le crois.
    Et j’avais quelque raison de le
croire, sachant bien que l’Église anglicane et la Reine n’avaient pas plus
farouche ennemi que Sixte Quint, lequel plus âprement que son prédécesseur,
relançait contre eux les jésuites, Guise et Philippe II, et même, à ce que
j’avais ouï, bénissait, en l’appelant «  ma fille »,

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