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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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années !
    — Aussi êtes-vous la plus fine
lame du royaume et en outre, à trente ans passés, d’une tournure à faire
tourner bien des têtes…
    — Il est vrai, dit Quéribus, en
pivotant son torse sur ses hanches pour parader sa taille de guêpe. Mais
vous-même, mon Pierre, on murmure qu’à Londres…
    — Billes vezées et viandes
creuses ! J’ai perdu ma peine ! Je n’ai fait que conter fleurette à
fleur qui ne se voulait cueillie, ni même butinée.
    Ce que mon Querelleur ne fut pas
fâché d’ouïr, m’ayant distribué depiéça dans un rollet qui comportait science,
éloquence et adresse, mais non pas séduction, laquelle, par une sorte de droit,
comme son tortil de baron, n’appartenait qu’à lui.
    — Que n’ai-je été avec vous à
Londres ! dit-il avec un sourire, j’eusse été votre second.
    — Mon premier, voulez-vous dire ? Car je ne doute pas qu’à peine advenu, vous eussiez pu
dire comme Jules César : veni, vidi, vici.
    — Qu’est cela ? dit-il en
levant un sourcil qui, comme celui du Roi, était épilé et peint.
    — Je suis venu, j’ai vu,
j’ai vaincu.
    — Excellent ! s’écria
Quéribus, ravi et riant. Excellentissime ! Havre de grâce ! Que voilà
une forte et fière devise ! Pierre, il vous faudra me l’écrire en latin,
pour que je la mémorise et m’en ramentoive dans les occasions. Mieux même, je
la ferai broder en lettres dorées à l’intérieur de mes chausses, afin de
l’avoir toujours présente en mon esprit quand je me dévêtirai !
    Non sans malenconie, je le regardai
départir le matin suivant avec son escorte sur une fort jolie jument baie pour
le camp du Roi à Gien-sur-Loire, enviant sa folâtre insouciance de muguet de
cour ou de sage-mondain, comme nous disons, comme si ces deux mots ne juraient
pas d’être joints. Du moins, pour toutes ses coquettes frivolités, Quéribus
était-il fidèle à son Roi. Non qu’il entendît bien où Sa Majesté voulait aller,
mais le suivait néanmoins, par point d’honneur de gentilhomme, quel qu’en fût
le péril, la Ligue ayant juré la mort de tous les « politiques » et
la ruine de leurs maisons, une fois la victoire acquise.
     
     
    Tout cet automne, je me rongeais les
poings en ma petite seigneurie, non que je n’y eusse à m’occuper, achevant de
m’y bien fortifier sur le modèle de Mespech, et ménageant mes terres selon la
bonne économie huguenote, lesquelles terres j’avais agrandies ces années
passées grâce aux libéralités de mon maître. Et de reste, il n’est pas à dire
que je pusse jamais trouver le temps long, même en un désert, étant homme à goûter
les charmes de mon domestique. Angelina, mes beaux enfants, mes livres, mes
chevauchées dans la forêt de Montfort-l’Amaury, et les veillées le soir en ma
grand’salle avec quelques voisins, petits gentilshommes, plus riches en vertus
rustiques qu’en deniers, eussent suffi à nourrir ma félicité, si la volonté de
mon maître ne m’avait retenu loin de son service, dont je voyais bien qu’il
était devenu l’étoffe même de ma vie, pour ce qu’en servant le Roi, j’étais
persuadé de servir, outre lui-même, la conservation de l’État, la maintenance
de la paix et la victoire de la tolérance.
    Havre de grâce ! Combien de
fois, en ma contrainte inactivité champêtre j’ai rêvé et ressassé, sans m’en
pouvoir rassasier, les remembrances, comiques ou périlleuses, de mes missions
en Guyenne, à Boulogne, à Londres et à Sedan ! Il me semblait que je
vivais alors, et d’autant que ma vie s’encontrait plus menacée, et aussi plus
utile, étant comme une navette aux mains de Sa Majesté, et allant, venant,
retournant encore, sous l’impulsion qu’Elle me donnait, mais toujours au cœur
des toiles qu’Elle tissait et contretissait pour défendre son trône contre ceux
qui le voulaient vaquer, et fouler son peuple par la guerre, les massacres et
l’Inquisition.
    J’invitais souvent à ma table le curé
Ameline de Montfort, lequel était bon homme assez, prudent, pas plus ligueux
qu’il ne fallait pour ses sûretés, ne prêchant jamais contre le Roi, et à peine
contre les archimignons, fort modéré en tout, même en son déportement et
jusqu’à son corps. Car il n’était ni grand ni petit, ni mince ni bedonnant, ni
chevelu ni chauve, ni jeune ni vieil, ni estéquit ni gaillard, ni paillard ni
vraiment chaste, ni porté au flacon ni le déprisant, ni chiche ni libéral,

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