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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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leur nombre, ce qui bien se vérifia, non point une mais deux fois,
n’ayant alors que le temps de décharger nos pistolets avant que de tourner
jaquette, les bonnes gambes de nos chevaux nous mettant hors portée le temps de
battre un cil.
    Le jeune Duc de Bouillon, Prince de
Sedan, avait à peine passé vingt ans, et il eût été tout charme et tout lys, si
ces lys n’avaient été si pâles, étant fébrile et pulmonique, comme je le savais
déjà, et comme le premier coup d’œil m’en confirma la pensée. Ce qui m’induisit
à lui dire – y ayant en son entourage des faces cafardes que j’aimais
peu – que je me nommais Dubosc, que j’étais un des médecins du Roi, et que
celui-ci me dépêchait à lui, afin de voir si je ne pourrais pas rhabiller ses
intempéries. Et par là, gagnant de l’examiner dans le privé et à l’abri des
oreilles à la traîne, je lui dis ce qu’il en était de mon message secret, à
savoir que la grande armée étrangère des reîtres dont il allait partager le
commandement avec le Prussien Fabien de Dhona, s’arrêtât en Lorraine et la
dévastât sans pousser plus outre dans le royaume, tâchant d’attirer et de
défaire l’armée du Duc de Guise, et au cas où, par malheur, il y faillirait, se
pouvant échapper et regagner ses bases allemandes, étant si proche de ses
frontières.
    — Ha ! me dit le jeune
Duc, lequel ne manquait assurément pas d’esprit, c’est raison ! C’est
raison claire et évidente ! En outre, je le voudrais faire aussi pour
obliger le Roi de France lequel m’a protégé depiéça de l’oppression violente du
Duc de Guise. Mais je doute y pouvoir réussir, car Fabien de Dhona n’entend
être commandé que par un Prince français du sang, et ni Navarre ni Condé ne
pouvant se hasarder jusqu’ici, il ne voudra pas être sous moi, ni ouïr mes avis
pour ce qu’il a presque le double de mon âge et me tient pour un béjaune sans
expérience des armées, ce qui est vrai, et sans cervelle, ce qui est faux. Le
peu de cervelle, c’est en son chef qu’il le faudrait trouver…
    — Mais, Monseigneur, dis-je,
vous lui pourrez dire du moins que c’est là le désir du Roi de France, lequel,
si les reîtres viennent à être défaits, assurera leur retraite et leur retour
en leur pays. Il est de la plus grande conséquence que vous sachiez, Monseigneur,
que mon maître a distribué ses forces de façon à rester maître de la situation.
D’une part à Guise, il n’a pu qu’il n’a confié une armée forte assez, grossie
encore des forces de la Ligue. C’est cette armée que Dhona et vous-même,
Monseigneur, aurez devant vous en Lorraine, si du moins la sagesse prévaut et
vous inspire d’y demeurer. D’autre part, à Joyeuse, qui étant passé à la Ligue
est fort reculé de ses premières faveurs, mon maître a donné une armée qu’il
pense être trop faible pour battre Navarre, mais forte assez pour le contenir.
Lui-même s’est installé sur la Loire avec le gros de ses troupes pour empêcher
dans les occasions Navarre de se joindre aux reîtres, et pour dicter à la
parfin la paix à tous si, comme il l’espère, Guise est battu en Lorraine et
Navarre arrêté en Gironde.
    — C’est un plan machiavélien,
dit le Duc de Bouillon avec un fin sourire, et qui fait honneur à la subtilesse
de mon bien-aimé cousin le Roi de France, lequel traite ses adversaires en amis
et ses propres généraux en adversaires.
    — Ce qu’assurément ils sont,
Monseigneur. Qui en pourrait douter ? Et qui ne sait que le Roi de France
ne fait qu’à l’extrême rebours de son estomac cette guerre qu’il redoute au
moins autant de gagner que de perdre, pour ce qu’une victoire de Guise en
Lorraine et de Joyeuse en Gironde ébranlerait son trône.
    Deux jours plus tard, je quittai ce
jeune Duc de Bouillon, si beau, si aimable et si mourant.
    En lui demandant mon congé, je
doutais qu’il pût vivre au-delà de quelques mois, ou même tenir à cheval le
temps de la campagne, et moins encore persuader Fabien de Dhona de demeurer en
Lorraine, alors que l’appétit de la picorée attirait si fort ses troupes vers
Paris, laquelle bonne et riche ville était un bien fort aimant pour les
corselets des reîtres.
    Comme il avait été convenu avec Sa
Majesté, je ne regagnai pas tout de gob mon logis du Champ Fleuri en la
capitale, mais la maison de Quéribus à Saint-Cloud, et à la nuitée, pour qu’on
ne me vît pas à cheval. Et là, au

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