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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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du Pape) quasi réconciliés en cette occasion sur les
cendres de ces malheureux.
    À moi-même fut laissé le choix de la
chambre, et je choisis celle de la tour Nord (encore qu’elle fût froidureuse)
pour cette raison qu’elle s’encontrait à Mespech fort isolée et des maîtres et
des valets, tant est qu’on y pouvait faire noise et vacarme sans être de
personne ouï.
    — Mi fili, dit Fogacer quand le joli valet eut clos l’huis sur nous, lequel était
fermé par un fort gros verrou, plaise à vous de me laisser m’étendre sur la
coite. J’ai chevauché trois grosses journées quasi sans débotter depuis
Périgueux, et encore que je préfère cette navrure-là aux flammes qui attendaient
ma croupière en cette bonne ville, le feu m’en cuit excessivement.
    — Mais Fogacer, étais-tu en
Périgueux sous la menace des fagots ? Et qui ou quoi t’avait mérité ce
sort ?
    — Ma vertu, dit Fogacer en
arquant son noir sourcil.
    — Ta vertu, dis-je, prenant
place sur une escabelle à côté de sa couche, tandis que son valet, ou comme
disait Fogacer, son page, s’accroupetonnait sur le plancher à une demi-toise de
son maître, et sans le quitter de l’œil, comme s’il eût craint que celui-ci
s’évaporât en l’air, s’il faillait un quart de seconde à l’envisager, ta vertu,
Fogacer, a déjà été tenue pour débattable, en particulier en Montpellier, si
bien je me ramentois.
    — Cependant, dit Fogacer, avec
son lent et sinueux sourire, n’y aurait-il pas couardise à cesser d’être ce que
je suis, pour ce que mon être ne plaît point à ceux qui commandent aux gibets
et aux bûchers et baptisent crime ma vertu, au nom de principes obscurs, qui
ont surgi, fort poussiéreux, de la nuit des croyances ?
    — Crime ou vertu, compagnon, que
fis-tu en Périgueux qui te valut d’être promis aux flammes ?
    — J’aimais, dit Fogacer fort
gravement et sans plus gausser ni sourire, à la seule guise dont je peux aimer,
le seul objet que je tienne pour aimable. Mais combien que mon amour fût noble
et pur en mon cœur, il fut réputé tout soudain « abominable et
diabolique » par les puissants que j’ai dits, ceux-là étant gouvernés par
de certains esprits étroits, estéquits, chattemites et zélés. Et me voilà
désespérément à la fuite, galopant sur les chemins à brides avalées, craignant
pour ma vie, craignant pour la sienne surtout, ajouta-t-il, posant la dextre
sur les boucles blondes de son page, lequel tout aussitôt la prit dans les
siennes et de baisers la couvrit avec un air d’infinie gratitude.
    — Ce drolissou, poursuivit
Fogacer en retirant doucement sa main des siennes, et plus ému que je ne
l’avais vu jamais, était dans le triste emploi d’un saltarin de Paris, lequel,
lui ayant appris ses tours de baladin, le faisait durement et périlleusement
labourer sans autre salaire qu’une chiche pitance ; en outre, lui
infligeait batture et frappement, l’abreuvant quand et quand d’un milliasse
d’injures. Or, il advint que ce méchant, ayant en Paris commis quelque vilenie,
dut avec sa bande quitter la capitale, et vaguer de ville en ville, gagnant son
pain par ses farces et batelleries. Et pour moi je ne pus que je ne le suivis
alors sur les grands chemins du royaume, étant captivé hors raison par les
grâces de mon joli Sylvio, et soignant tous et un chacun dans la troupe sans
requérir un sol.
    — Ha, Fogacer ! Toi, un
des médecins du Duc d’Anjou ! Tombé en ces momeries ! Avec ces
vagabonds !
    — Trahit sua quemque
voluptas ! [7] dit Fogacer avec un soupir. Mais je poursuis. En Périgueux enfin, je
décidai cet ange que voilà – car ange il est, tant par le cœur que par la
corporelle enveloppe – à planter là son tyranniseur et avec moi s’en
sauver. Mais le maître saltarin, qui avait cligné doucement les yeux sur ma
passion tout le temps qu’elle avait servi ses intérêts, sentit à mon
département se réveiller sa chrétienne conscience et courut me dénoncer à
l’Évêché de Périgueux (ici Fogacer baissa la voix) comme bougre et comme athée,
le misérable ayant au surplus observé que je n’allais à messe que d’une fesse,
et peu souvent. Sur quoi l’Évêché me dépêcha à l’auberge un clerc bien gras
pour de moi s’enquérir, lequel clerc j’engraissai plus outre de mes sonnantes
clicailles pour qu’il me laissât départir. Ce que je fis à beau pied, et le
jour même, sentant en mes alentours

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