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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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sa
parladure, son oc n’étant point de céans.
    — Et sa face ?
    — Je ne l’ai pu voir. Le drole
est plié jusqu’au sourcil d’un grand manteau, lequel est tout couvert de neige.
    — Sanguienne ! criai-je.
Allons éclaircir ce mystère !
    Et je partis, devançant Escorgol,
suivi de Miroul, Giacomi et Fröhlich, mon Samson, au moment que de venir avec
nous, s’immobilisant, pour ce qu’il trouva devant lui métal plus attractif,
Gertrude apparaissant tout soudain à la porte du viret.
    Ayant passé les deux ponts-levis de
l’île et enfin dans la dernière enceinte parvenu, je courus démasquer le judas
du châtelet d’entrée et vis, en effet, sur le chemin, un grand quidam
enfourchant un cheval noir duquel (je parle du guillaume) c’était à peine si on
pouvait entrevoir un œil, tant sa capuche et son ample manteau brun
l’enveloppaient de cap à pied. À vrai dire, le manteau, brun de son étoffe et
de substance, était quasi tout blanc de flocons et la monture n’était noire que
dans les dessous, tant il neigeait sur elle et sur le cavalier, ce dont
celui-ci paraissait fort peu incommodé, à la différence de son joli page,
lequel soufflait dans ses doigts gourds avec de petites mines souffrantes.
    — Qui es-tu, neigeux
compagnon ? dis-je par le judas.
    — Est-ce bien Pierre de Siorac
qui à moi s’adresse derrière l’entrelacs de cette petite grille ? dit la
voix du gautier, laquelle, bien que son manteau l’étouffât, ne me parut pas
tout à plein déconnue.
    — C’est bien je.
    — S’il en est ainsi, ha
vraiment traître judas ! Judas vraiment judas qui me dérobe la vue de sa
tant belle face !
    — Qui es-tu pour parler
ainsi ?
    — Un qui t’aime. Mais
dis-moi : ôte-moi de quelque doutance encore : Est-ce bien le
Révérend Docteur médecin Pierre de Siorac, fils cadet du baron de Mespech, qui
parle à ma personne ?
    — Ne m’as-tu pas ouï ?
C’est bien je qui suis là !
    — Ne me connais-tu point,
Pierre de Siorac ?
    — À visage encapuchonné, non.
    — Et à la voix ?
    — Point tout à plein.
    — Ha ! dit le guillaume
d’une voix gaussante, où donc est la voix du sang ?
    — La voix du sang ?
    — Ou si tu préfères, le murmure
du lait : je fus ta nourrice, Pierre.
    — Ma nourrice, un homme ?
    — Suis-je un homme ? dit
le gautier de la même voix ironique et gaussante. Il m’arrive vingt fois le
jour d’en douter. Mais passons. Je ne fus pas, Pierre, ta nourrice selon la
chair comme Barberine, mais selon l’esprit.
    — Selon l’esprit ?
    — Oui-dà ! t’ayant nourri,
en Montpellier, aux stériles mamelles de logique et de philosophie de la vache
Aristote.
    — Quoi ! criai-je, béant,
ouvrant tout à plein le judas et de joie transporté, Fogacer ! Est-ce toi,
Fogacer ?
    — Ipse, mi fili [6] , dit-il, abaissant sa capuche.
    Et souriant, son chef nu se couvrant
lentement de flocons, il m’envisageait de son œil noisette, arquant son sourcil
diabolique.
     

CHAPITRE II
    Mon père fut fort aise d’encontrer
Fogacer, dont il avait ouï par ma bouche, encore que j’eusse omis de
l’instruire de la particularité de ses mœurs, laquelle l’eût pris très au
rebours de son estomac, étant si étrangère à sa complexion, et si honnie par
son Église. Et Fogacer étant, pour sa part, si accoutumé par la persécution des
gens de sa farine à déguiser sa voix, ses gestes et son déportement (lesquels
n’étaient point tout à fait de son sexe, quand il n’y prenait garde) le baron
de Mespech fut à mille lieues de rien soupçonner, même quand Fogacer le pria de
ne point coucher son petit valet avec Miroul, comme le propos en était devant
lui agité, mais avec lui-même, étant, dit-il, sujet la nuit à des étouffements
que seul son serviteur savait alléger par le massage de l’épigastre.
    Mon Fogacer articula cette demande
sans battre un cil, la raison qu’il en donnait ne pouvant que persuader mon
père dont on se ramentoit qu’il avait étudié la médecine en Montpellier avant
que de choisir le métier des armes. Quant à Sauveterre, convaincu qu’il était
que tout le mal en ce monde ne venait que des femmes, il n’avait point d’odorat
pour la bougrerie, ni « autres choses énormes et détestables », comme
dit notre Calvin, lequel, à Genève – tout comme le Pape à Rome –
condamnait au bûcher ceux-là qui s’y livraient, étant l’un et l’autre
(j’entends de Calvin et

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