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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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corbeau
courbé, vous tenez en Fogacer un ami qui vous devrait bien servir de modèle,
étant le miroir des meilleures vertus. Jeune encore et de surcroît papiste, je
le prise fort d’avoir préféré la compagnie d’un barbon et d’un petit valet à
celle de ces Dalilas.
    — Des Dalilas, Monsieur mon
oncle ! Mais on encontrait en Puymartin les meilleurs gentilshommes du
Sarladais !
    — Ceux-ci après celles-là
courant ! dit Sauveterre avec aigreur. Il faut bien le dire à la fin, mon
neveu. C’est la femme, et la femme seule, qu’on va quérir dans ces sortes de
divertissements. Et quiconque n’a pas appétit lubrique à la femme n’y trouvera
pas son pain.
    — Hélas ! dis-je affectant
de baisser la crête, ne sais-je point assez que ma vertu, sur le point que vous
dites, est à mille lieues d’égaler celle de Fogacer…
    — Vous dites vrai, mon neveu,
et pour moi, tant d’austérité en un homme de si peu d’années me conforte
excessivement, tout papiste qu’il soit. Savez-vous qu’il apprend à lire à son
petit valet, afin que son intelligence puisse s’ouvrir à de bonnes
lectures ? N’est-ce pas émerveillable dans le siècle où nous sommes qu’un
révérend docteur médecin prenne tant de peine pour élever un simple serviteur
jusqu’à l’entendement du bien ?
    À cela qui était sans réplique je ne
répliquai rien, admirant en mon for la sainte simplicité de Sauveterre et la
parfaite seigneurie que Fogacer gardait sur soi, comme si la perpétuelle
persécution qui pesait sur sa vie le tenait comme un capitaine continuellement
en alerte, la cuirasse endossée, l’arme prête et la contremine creusée.
Ha ! pensai-je, n’est-ce pas pitié que d’être tenu comme lui par la dureté
de nos mœurs à avancer dans la vie le visage toujours masqué, et contraint par
nos zélés à être lui-même tant chattemitique que notre bon Sauveterre pouvait bien
voir et ouïr le chat, mais sans rien entendre à son miaou.
    Nous en eûmes bien d’autres à
fouetter quand la neige, loin de discontinuer après le 10 novembre,
s’entassa si bien sur le plat pays qu’hors les chemins de nos alentours –
gardés ouverts par l’incessant labeur que j’ai dit – tous autres furent
rendus tant impraticables qu’il n’était point possible d’y mettre le pied, ou
le sabot d’un cheval sans s’y enfouir tout à plein. Quéribus dut donc remettre
le boute-selle sine die, et encore qu’à ouïr Fogacer annoncer que le Duc
d’Anjou était pour aller mettre le siège devant La Rochelle, il eût juré trois
jours plus tôt que son sang lui bouillait de l’impatience d’aller combattre à
son côté – protestation dont je ne pouvais douter, l’homme étant si vaillant –
il ne parut pas tant marri que je l’aurais cru d’avoir à demeurer, et de
semaine en semaine de remettre son département, voire, comme la fortune le
voulut, (la neige persistant) de prendre ses quartiers d’hiver à Puymartin,
quitte à galoper quotidiennement de Puymartin à Marcuays, et de Marcuays à
Mespech, afin que de demeurer tout le jour en notre compagnie, ce qui ne laissa
pas que d’étonner mon père, jugeant qu’il eût été de sa part plus séant et
courtois d’être davantage en celle de son hôte.
    La frérèche, à nous voir tous et un
chacun rester en Mespech en ces mois froidureux, rit d’un côté de la face et
pleura de l’autre moitié. Mon père, lui, fut au comble d’une joie sans mélange
dans le pensement de nous garder, Samson et moi, à son côté plus longtemps qu’il
n’avait espéré, et encore que Sauveterre, qui nous aimait prou, partageât cette
liesse, elle lui était fort gâtée par l’odor di femina que Gertrude et
Zara continuèrent à répandre en nos murs : déplaisir multiplié par les
extravagants débours de chandelles et de bûches que leur présence traînait
après soi. Sauveterre alla même en sa chicheté jusqu’à déplorer, très à la
vinaigre, la quantité de viandes que les friandes consommaient. À quoi mon père
répliqua que Giacomi, Fogacer et Sylvio, à eux trois, bien davantage
gloutissaient.
    — Mais, disait Sauveterre, ils
sont hommes, et donnent la main, quand il le faut, au ménage des bêtes.
    — Monsieur l’Écuyer, dit le
baron de Mespech en souriant, voudriez-vous voir Dame du Luc panser notre
étalon ?
    — Femme file au logis, dit
Sauveterre, lequel voyant mon père hausser l’épaule ajouta :
    — Passe encore

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