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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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bien !
    — Il se peut qu’ils ne lui
étaient pas déconnus, garçons de rivière, comme lui, du côté de deçà, ou
anciens compères de beuverie, que sais-je encore ? Pauvres gens
mécaniques, ignares et affamés, dont quelques écus ont armé le bras. C’est avec
ceux-là qu’on fait les guerres et les exécutions, Miroul, pendant que la
Montpensier se gave de dragées et de pruneaux sur ses coussins de soie.
    Je lui dis alors ce qu’il en était,
et du billet de La Vasselière, et de mon entretien avec Franz.
    — Ha Moussu ! me dit-il,
l’air fort résolu, la chose est claire. On vous a mandé à l’hôtel de la
Boiteuse pour vous embûcher sur le chemin et, vous mort, on donnait l’assaut au
logis pour y massacrer les vôtres : raison pour quoi, voulant avoir la
voie libre, on a tué nos gardiens. Moussu, nous voici revenus quinze années en
arrière ! Une nouvelle Saint-Barthélemy se prépare dont ces meurtreries
sont les premiers bourgeons. Et que faire sinon se mettre, comme en 72, à la
fuite ? Moussu, nous sommes les Juifs errants de ce royaume !
    — Tu dis vrai : va
réveiller Silvio qui dort comme souche et refais nos bagues si tu les as
défaites. Je vais passer par la porte dérobée et avertir Giacomi de notre
prédicament.
    Fort heureusement, je le trouvai au
logis, ainsi que Larissa, et je lui dis au pas de charge ce qu’il en était.
N’eût été Larissa, il m’eût accompagné, je crois, mais je le quérai de demeurer
et de laisser, sans lever le doigt, mon logis éventrer et piller par ces gueux,
afin de rester sauf et de me pouvoir, dans les occasions, offrir un refuge ou
une cachette, sa maison étant si proche du Louvre. Il y consentit à la parfin,
et Miroul m’ayant fait observer que nous aurions besoin de nos vives montures
(qui avaient fait leurs preuves à Sedan) on décida de les amener de mon écurie
à celle de Giacomi, ce qui voulait dire, les faire monter à l’étage, passer par
la porte dérobée, et leur faire dévaler un étage pour les loger en la cour du
maestro, ce qui ne fut guère aisé, comme on l’imagine, le cheval ayant une
antipathie particulière pour les escaliers, surtout quand il s’agit de les
descendre, terrorisé par ce vide qu’il voit se creuser sous lui.
    Le difficile fut de me faire
reconnaître et ouvrir par Alizon, étant donné la tardance de l’heure, et la
nuit déjà noire, mais dès que l’huis fut déclos et nos montures en l’écurie, ma
petite mouche d’enfer mena Miroul et Florine avec leurs bagues en une proprette
chambriscule et, les y laissant, leur dit à la parisienne :
    — Vramy ! La coite n’est
pas large, mais à voir la guise dont vous entremêlez vos regards, je crois que
vous saurez vous en accommoder…
    Ayant ri et poutouné Florine, elle
présenta la main à mon secrétaire avec autant de grâce qu’une Princesse du
sang, et me prenant par le bras, m’entraîna quasi courant à sa chambre, où
ayant fermé la porte sur nous, elle me jeta les bras autour du col, me
baisottant à la fureur (non sans que je la repayasse de la même monnaie) son
mince petit corps entrant quasi dans le mien à force de se tortiller contre
lui, vive et frisquette mignote qu’elle était, brune comme maure, l’œil noir
fort pétillant et la lèvre friande.
    — Mon Pierre, me dit-elle, tu
vas t’encontrer bien déquiété en ton huguenote humeur, pour ce que la seule des
chambres que j’ai à bailler en mon petit logis est celle où j’ai logé Miroul et
sa Florine. Laquelle Florine, à la vérité, j’eusse pu prendre avec moi, comme
d’aucunes dames de qualité qui aiment à coucher avec leurs chambrières, mais
comment eussé-je pu en conscience (elle rit en prononçant ce mot) séparer
Florine de son époux sans cruauté ? La troisième chambre est celle de
Baragran dont le pauvret est raffolé, pour ce que le conduit de la cheminée
passant dans son mur, celui-ci lui baille une chaleur qui conforte ses pauvres
os tordus. Mon Pierre, vais-je vaquer Baragran de sa chambre et le mettre en
humide soupente pour te bailler sa place ? Le veux-tu ?
    — Ha Mamie ! dis-je voyant
bien à quoi tendait ce miséricordieux discours, et me trouvant trop las (et par
ses baisers déjà trop adouci pour y résister, comme je l’eusse dû), mamie,
dis-je, je te mets à tant d’incommodité à venir me cacher chez toi que j’aurais
scrupule à priver le pauvre Baragran de la tiédeur de ses nuits après son
labour

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