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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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mais maintenant je le sais : tu es
poète.
    — Silence, Chicot, dit le Roi.
Donc, Siorac, poursuivit-il, Mayenne fut en Paris avant-hier.
    — Oui, Sire. Lequel Mayenne se
rince la bouche des grands exploits et sublimes faits d’armes par lui-même
accomplis en Guyenne contre les hérétiques.
    — Dans la réalité, dit Chicot,
le gros pourceau a tué un tout petit lièvre, qui devient, passant par son
groin, une meute de loups.
    — C’est qu’il faut du massacre,
dit le Roi, pour plaire à nos bons prêchereaux de Paris. Nul n’est bien vu ni
bien venu de la Ligue s’il ne tient ce langage. Poursuis, Siorac. Et toi,
Chicot, pas un mot hors l’enclos de tes dents !
    — Henri, dit Chicot, à quoi bon
que tu ois la Saignée et son borgne commis, quand je sais d’A à Z ce que
complotent le gros pourceau et les ligueux ?
    — Et qui est ? dit le Roi.

— Qu’ils te veulent prendre ta
ville.
    — Mais il y faut du détail et
de la circonstance, dit le Roi.
    — Ils ne manquent pas, Sire,
dis-je. En voici le conte, fait par Mosca qui assista à ces sanguinaires
entretiens entre la Ligue et Mayenne. De prime, pour prendre la Bastille, cent
à cent vingt de nos bons ligueux de nuit toquent à la porte, et si elle ne leur
est pas ouverte, un archer qui est à eux coupe la gorge au chevalier du guet et
la déclôt. Si le chevalier, abusé, la déclôt lui-même, il est dépêché, ainsi
que tous ceux parmi les siens qui sont réputés « politiques ». En
même temps, d’autres détachements de la Ligue se présentent chez le premier
président, le chancelier, le procureur général et plusieurs autres grands
officiers du Roi et les expédient à la chaude, récompensés de cet exploit par
la pillerie de leurs maisons. Pour l’Arsenal, la Ligue y a un fondeur, lequel
est pratiqué de leur intelligence, et plusieurs autres, qui, dès qu’ils toquent
à l’huis, tuent le prévôt. Pour le grand et petit Châtelet, la Ligue les doit
surprendre par des commissaires et des sergents qui sont à elle et
contrefeindraient d’y amener la nuit des prisonniers. Quant au Palais, au
Temple et à l’Hôtel de Ville, la Ligue ne fait pas grand cas de les prendre,
les pensant envahir et occuper le matin dès l’ouverture des portes. Cependant,
touchant le Louvre…
    — Voyons mon Louvre, dit le Roi
avec un petit brillement de l’œil.
    — La Ligue le veut prendre pour
saisir Votre Majesté et tuer son Conseil, et tous les officiers fidèles, les
remplacer par des hommes à eux, épargnant votre personne à condition que vous
ne vous mêliez plus de rien.
    — Je les trouve très
évangéliques, dit le Roi.
    — Et par quels moyens ?
dit Du Halde qui jusque-là n’avait pas ouvert le bec.
    — Une fois que la Ligue aura
saisi la Bastille, l’Arsenal, le Châtelet, le Temple, le Palais et l’Hôtel de
Ville, ses émissaires doivent crier par les rues et ruelles : « Vive
la messe ! Ville prise ! » et appeler tous les bons catholiques
aux armes et les diriger vers le Louvre dont on bloquera toutes les issues.
Cela fait, on réduira les gardes du Roi à merci en les affamant.
    — Mais qui ne voit, dit Henri
au bout d’un moment, que cet appel au menu peuple fera sortir les milliers de
truands de leurs trous, et les mettra à meurtrerie et picorée en tous les
quartiers de la ville ?
    — Sire, dis-je, nos ligueux
s’en sont avisés, et de la ruine et de la confusion totale qui en résulteraient
pour tous les manants et habitants de la bonne ville. Et ils ont inventé un
moyen pour contrebattre cette éventualité.
    — Quel moyen ? dit le Roi.
    — Les barricades.
    — Les barricades ? dit le
Roi en levant haut le sourcil. Qu’est cela ? Quelle nouveauté est-ce
là ? Qu’entendent-ils par ce mot barricade  ? Du Halde, l’as-tu
déjà ouï ?
    — Non, Sire, dit Du Halde. Mais
on dit « mettre barre » à un passage quand on veut l’empêcher. D’où
je suppose que «  barricade  » est le moyen par lequel on le
peut empêcher.
    — Vrai et faux, mon cher Du
Halde, dis-je. Il s’agit bien de barrer le chemin, mais au rebours de ce que
vous êtes apensé, barricade ne vient pas de barrer, mais de barriques, lesquelles, remplies de terre, seraient mises dans chaque
quartier au travers des rues, pour les obstruer, les intervalles étant comblés
par des amas de pavés déterrés. Tant est que seuls pourraient franchir le
retranchement ceux qui présenteraient une marque

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