Le Prince Que Voilà
huguenots, et la désignation du cardinal de
Bourbon comme dauphin.
— Henriquet, dit Chicot,
d’Épernon a raison. Le Magnifique ne requiert que le trône. Donnons-le-lui. Sa
Majesté la Reine-mère ne pourra que s’en ébaudir, elle qui le surnomme « son
bâton de vieillesse ».
— Un bâton pour battre son
fils, dit le Roi en souriant d’un seul côté du bec. D’Épernon, poursuivit-il,
la face redevenant grave et son œil noir excessivement brillant, plus nous
cédons au Guise, plus il exige. Le moment n’est plus de caler la voile, mais de
la raidir. Elizabeth a raison, et j’y ai rêvé avant elle : Il faut jeter
une forte troupe dans Rouen, pour verrouiller Dieppe et couper Guise de ses
arrières, s’il présume d’avancer sur Paris avec son armée. Monsieur le colonel
général de l’infanterie française, lequel je nomme aussi ce jour gouverneur de
Normandie, vous commanderez nos forces de Rouen.
— Sire, dit d’Épernon en
mettant un genou à terre, et penchant sa belle et dure face, je vous obéirai.
— Dans le même temps,
poursuivit le Roi, M. Pomponne de Bellièvre sera dépêché à Soissons pour quérir
expressément au Duc de Guise qu’il ne vienne à Paris que je ne l’y mande ;
que s’il y vient, les affaires étant dans l’état qu’elles sont, sa venue
pourrait causer une émotion, de laquelle je le tiendrai à jamais coupable.
— Il y a petite apparence, dit
Chicot, que le pompeux Pomponne parle si fort au Duc, lui qui embrenne ses
chausses au seul bruit de son nom.
— Pomponne, dit Du Halde, est à
la Reine-mère. Il dira au Guise : « Non, non. Oui, oui. »
Non, non, de la part du Roi. Oui, oui, de la part de sa mère.
— Laquelle veut céans son bâton
de vieillesse, dit Chicot. Henri, la seule chose sûre est d’envoyer la Saignée.
— Assurément non ! dit le
Roi. Siorac à Soissons ne vivrait pas une heure, si même il parvenait
jusque-là. J’écrirai une lettre au Guise que Pomponne lui remettra. Et Monsieur
le colonel général, commandez, je vous prie, à mes Suisses de Lagny de
s’acheminer vers Paris, et logez-les dans les faubourgs Saint-Denis et
Montmartre. Voilà qui fera réfléchir nos rebelles et maillotiniers Parisiens.
Épernon à Rouen, Bellièvre à
Soissons, les Suisses aux portes de Paris : Excellentes mesures, toutes
bien conçues, promptement prises, bien exécutées, et qui montraient qu’au
rebours de ce que l’Étoile et de Thou disaient, le Roi n’était ni mol ni
indolent, et qu’il savait agir, et bien agir, quand il jugeait le moment
opportun.
Sans lésiner, il bailla à Épernon le
gros de ses troupes, quatre compagnies d’hommes d’armes et vingt-deux enseignes
de gens de pied, gardant pour lui les quatre mille Suisses cantonnés dans les
faubourgs. En outre, pour donner plus d’éclat au département d’Épernon, il
l’accompagna jusqu’à Saint-Germain-en-Laye et là, lui ayant donné son congé, il
alla s’enfermer au monastère des Hiéronomites à Vincennes, disant qu’il y
voulait faire pénitence sept jours entiers et que, pendant ce temps-là, on ne
lui parlât plus de rien.
Décision bien étrange, assurément,
en le trouble des temps où le prédicament était si précaire qu’il eût exigé
qu’on le suivît d’heure en heure. Mais quoi, tout homme a ses faiblesses, et
celle de mon bon maître était là. Il pèlerinait, il processionnait, il se
flagellait, il macérait sans feu en chétive cellule, égrenant sans fin son
chapelet de têtes de mort, demandant mille et mille fois pardon à son créateur
des plaisirs qui étaient les siens et qui surchargeaient sa conscience d’un
insufférable poids. À ce prix, une semaine durant, sa pauvre âme retrouvait
quelque paix. Et la remembrance de cette quiétude le charmant, il finit par
tomber quasiment amoureux des monastères, des calmes cloîtres et de la bure,
tant est que la vue d’un moine, aperçu par chance à la Cour, le chatouillait.
Comme on sait, il périt par là.
Je vis Mosca deux fois au cours de
cette semaine que le Roi passa chez les Hiéronomites, et où je fus moi-même
reclus (mais non me sanctifiant) chez ma petite mouche d’enfer, et deux fois il
me répéta que le renforcement du Roi en Paris et autour de Paris ayant frappé
les ligueux de terreur, ceux-ci se débandaient et se débauchaient, au point que
si Guise n’apparaissait pas dans la capitale, et pour peu que le Roi sût enfin
sévir, c’en serait
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