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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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mot ni miette, ni même oser s’approcher tant il était, en son âme trouble,
mis à la torture, ne voulant pas affronter le Roi, ni la Reine-mère qui lui
avait donné pour le Duc un message contraire à celui du Roi, ni le Duc, en qui
il voyait son futur souverain, si du moins le Duc quittait vivant ces
appartements, ce dont il commençait à douter, auquel cas il aurait trahi pour
rien.
    — Hé bien, Bellièvre ? dit
le Roi qui, de son œil glacé paraissait pénétrer une à une les embarrassées
pensées de son ambassadeur, avez-vous, ou n’avez-vous pas délivré mon message à
Monsieur de Guise ?
    — Assurément, Sire, dit
Bellièvre, dont l’œil mal assuré, fiché sur le Roi avec respect, paraissait
vouloir rattraper son ambigueuse parole qui, répondant d’un seul mot à deux
questions contraires, ne répondait à aucune en réalité.
    — Sire, dit alors le Guise qui,
pensant à ses propres sûretés, se souciait guère d’aider Pomponne en son
prédicament, j’ai bien reçu Monsieur de Bellièvre à Soissons. Mais si j’avais
retenu de ses propos que vous me commandiez de la façon la plus expresse…
    — Ne vous a-t-il pas remis une
lettre de moi ? reprit le Roi en le coupant de la façon la plus abrupte.
Ne l’avez-vous pas lue ? Ne vous en ai-je pas fait confirmer les termes
par Monsieur de La Guiche ? Combien dois-je vous dépêcher d’ambassadeurs
pour vous persuader d’obéir ?
    — Sire, dit le Guise en jetant
autour de lui des regards peu assurés, car il venait de voir entrer le maître
de camp Crillon qui, loin de lui avoir ôté son chapeau en passant devant lui,
l’avait enfoncé rageusement sur sa tête et s’en était allé rejoindre d’Ornano,
posté devant l’huis, et avec lui conversait à voix basse, lui jetant ainsi que
le Corse, des regards furieux, tous deux tourmentant la poignée de leurs
dagues.
    — Sire, dit le Guise, Monsieur
de La Guiche n’a pas la même autorité que Monsieur de Bellièvre et c’est
Monsieur de Bellièvre que j’ai cru.
    — Lequel Bellièvre se tait
comme carpe, s’écria le Roi, son œil noir noircissant dans son ire.
    — Sire, dit Bellièvre en
tremblant de sa bedondaine à son double menton, il ne peut s’agir que d’un
malentendu. Monsieur le Duc de Guise n’aura pas compris mes propos comme il eût
fallu.
    — Assez, Bellièvre ! cria
tout soudain le Roi à la fureur, et tournant le dos au Guise, il alla se mettre
dans l’embrasure d’une fenêtre, jetant par-dessus son épaule des regards
meurtriers à Bellièvre et au Guise.
    Et soit qu’à cet instant, les jambes
du Duc de Guise se fussent senties trop faibles pour porter son grand corps,
soit que, s’adossant au mur, il eût voulu se prémunir d’un coup de poignard
dans le dos (que dans l’entrevue de Meaux avec Sa Majesté il avait eu l’air
quand et quand de redouter), il alla s’asseoir sur le grand coffre que le Roi
venait de quitter, envisageant de son œil bleu la Reine sa cousine d’un air
d’appel, laquelle, entendant ce muet message, vint s’asseoir à sa dextre et lui
prit affectueusement la main, tandis que la duchesse d’Uzès, sur un coup d’œil
de la Reine-mère, alla prendre place à sa senestre sur le coffre, toutes deux
rendant impossibles au Roi, et son arrestation et son exécution.
    — Tudieu ! murmura
d’Ornano (mais on sait que ses murmures portaient loin) la belle affaire que de
se faire remparer par des cotillons !
    Après cette fort audible remarque,
il n’y eut plus dans la salle que silence et immobilité, la Reine conversant à
voix basse avec le Guise, et le Roi, le dos tourné, tapotant de l’index le
carreau de la fenêtre, et trémulant de la tête aux pieds de la colère qui
l’agitait.
    La Reine-mère envisageait son fils
sans mot dire de ses gros yeux saillants, la lèvre tiraillée de la dolence que
lui donnait sa goutte (s’étant, en fait, tirée du lit pour amener le Guise au
Louvre, craignant que s’il s’y fût présenté sans son auguste garant, on ne
l’eût tout de gob occis). Et de présent fort désemparée que Sa Majesté, mettant
bas le masque, eût laissé éclater son courroux, contre le Duc et contre
Bellièvre, et à bien voir, contre elle-même, ne l’ayant ni envisagée ni saluée
à son entrée dans ses appartements.
    Elle me parut balancer à l’aller
rejoindre dans l’embrasure de la fenêtre et, se peut, n’en avait pas, seule,
tout à fait la force, car elle marchait

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