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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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très difficilement, à ce que j’avais pu
voir à son entrée, le bras senestre appuyé sur le bras de la duchesse d’Uzès et
le bras dextre sur le Guise, «  son bâton de vieillesse  »,
comme elle osait dire. Elle me parut, de reste, fort mal en point, les joues
qu’elle avait toujours eues fort rondes étant quasi bouffies et au surplus
blafardes, la lèvre du bas si pendante qu’elle avait peine à la faire se
ressouder quand et quand à la lèvre supérieure, tant est qu’elle paraissait
béer sans fin comme un crapaud dont, de reste, elle avait l’œil globuleux,
voilé à demi par une paupière lourde.
    — Bellièvre, dit la Reine-mère
à sa créature en tendant le bras pour lui demander le sien.
    Mais Bellièvre accourant, l’échine
courbe, elle s’apensa qu’elle ne pouvait, sans péril, s’approcher en sa
compagnie du Roi, et elle dit :
    — Nenni, pas Bellièvre !
Du Halde !
    À quoi Du Halde obéit, mais avec un
empressement beaucoup moins marqué que Bellièvre, aimant fort peu Catherine qui
avait tâché, par jalousie, et haine de son influence, à le faire chasser par le
Roi, y faillant toujours, y revenant sans cesse.
    — Mon fils, dit-elle en versant
des larmes (qu’elle avait toujours eues fort à son commandement) ne me
voulez-vous pas ouïr ?
    — Madame, dit le Roi sans
tourner la tête, mes oreilles sont fatiguées.
    — Ha ! Mon fils ! dit
la Reine-mère, ses larmes redoublant, que dira-t-on de moi quand on verra que
moi, que Dieu a fait naître votre mère, je me trouve à la parfin éconduite de
vous ?
    — Madame, dit le Roi sans
l’envisager davantage, je ne vous éconduis point. Il me semble même que je vous
ois, quoi que j’en aie.
    — Eh bien, mon fils, dit la
Reine-mère, s’il faut tout vous dire, ce n’est point pour braver que le Duc de
Guise est ici, c’est à ma prière, pour se justifier des calomnies que vos
huguenots font courir sur ses entreprises.
    — À votre prière, Madame ?
dit le Roi. C’est à votre prière qu’il est céans ? Voilà bien de vos
méchants tours !
    — Mais, dit la Reine-mère, il
n’est céans que pour venir à résipiscence et trouver moyen de s’accorder avec
vous et vous rendre vos villes de Picardie.
    — Madame ! dit le Roi
d’une voix basse et furieuse, vous êtes une brouillonne ! Vous mêlez tout,
et vous vous mêlez de tout ! Me rendre mes villes picardes ! Il
s’agit bien de cela ! Avez-vous fait ce rêve ?
    — Mais je vais m’y efforcer
jour et nuit, dit Catherine, dussé-je y laisser le peu de vie qui me reste.
    À ces mots, le Roi tourna la tête,
l’envisagea, et béant de l’altération qu’il découvrit en elle, en fut saisi de
quelque compassion et dit plus doucement.
    — Madame, vous êtes mal.
Retournez à votre lit. Vous n’eussiez pas dû le quitter.
    — Mon fils, dit-elle à voix
basse (et sentant qu’il s’adoucissait, engouffrant dans la brèche le gros de
ses bataillons), je n’y retournerai que si vous me promettez sur ma vie que
vous ne tenterez rien contre le Duc.
    — Madame, dit le Roi avec une
apparente lassitude, je ferai ce que vous voudrez, mais je vous en prie,
retournez à votre couche.
    Sous l’œil pénétrant de son fils, la
Reine-mère poursuivit alors ses absurdes discours de conciliation dont Du
Halde, qui les ouït, dit plus tard qu’ils avaient à peu près autant de sens que
si la Reine-mère avait prétendu que le renard s’était introduit dans le
poulailler pour parlementer avec les poules. À l’air dont il les écouta, Du
Halde, à ce qu’il me dit, vit bien que Henri qui avait fort aimé sa mère en ses
années plus vertes, mais lui gardait une fort mauvaise dent de ce qu’elle se fût
alliée, en son égoïste aveuglement, de prime à Alençon et dans la suite, plus
funestement encore, au plus mortel ennemi du trône et de l’État, ne se pouvait
résigner, ne l’aimant plus, à la haïr, la haine étant un sentiment dont les
racines prenaient mal en la bénignité de sa complexion, son naturel étant trop
noble et pardonnant pour lui fournir le terreau qui eût abondé dans une âme
plus petite.
    Que le Guise fût venu, comme elle
osait le dire sans vergogne, pour s’expliquer, se justifier, s’accommoder au
Roi, lui rendre ses villes picardes et rentrer dans le devoir, Henri n’en
croyait pas la plus petite syllabe du plus traître mot (vraiment traître
celui-là !) et s’il parut, à la parfin, y ajouter foi,

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