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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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fort assidu, le nez dans un missel, donnant sans chicheté à quête et
écoutant, avec de dévots hochements de chef, des prêches tant séditieux, déloyaux
et félons qu’ils m’eussent en d’autres temps fait jaillir l’épée du fourreau.
    D’épée, de reste, pas la moindre, en
mon accoutrement, mais une dague à l’italienne cachée dans mon dos et deux
pistolets dans mes calamiteuses chausses, celles de Miroul (non moins
bouffantes, bourgeoises et ridicules que les miennes) en recelant deux aussi,
sans compter ses cotels à lancer, cet armement destiné à la toute extrémité à
vendre notre peau et toison, si on nous les voulait quitter, nous ayant par
chance reconnus.
    Je savais, par Quéribus qui me
visitait à la nuitée chez Alizon, que de ces deux jours où j’usai sans fin mes
semelles sur le pavé de la capitale, le Guise n’avait, pour ainsi dire, pas
quitté le Roi, le voyant à s’teure au Louvre (où il n’était revenu qu’avec une
immense escorte) à s’teure à la messe, à s’teure à table où en sa qualité de
grand maître de France, il lui présentait la serviette, à s’teure enfin au
couvent des Filles Repenties où logeait la Reine-mère. Il semblait, d’après ce
qui avait transpiré de ces entretiens, que le Roi tâchait de persuader Guise de
quitter Paris, le Guise l’assurant de son obéissance pour peu qu’il consentît,
lui départi, à donner des sûretés pour la vie des ligueurs de la capitale. Le
Roi lui reprochant alors la capture de ses villes picardes, Guise tout de gob
lui jurait qu’il ne les tenait qu’en son nom et les lui remettrait du bon du
cœur, dès qu’au lieu de prêter oreille à ses ennemis, (visant d’Épernon) le Roi
voudrait bien reconnaître enfin ses bons services et s’accommoder à lui. Et le
Roi défendant là-dessus bec et ongles d’Épernon, le Guise, s’inclinant
profondément devant lui, lui avait répliqué avec un sourire plein de fiel, que
«  par amour pour le maître il aimerait même son chien  ». Tant
est que pour Du Halde (que je pus voir quelques minutes seul le 11, le Roi
étant en sa chapelle), la chose était claire. Le Guise amusait le Roi et
gagnait du temps.
    Et pourquoi ce temps, il le voulait
gagner, la chose était fort claire pour moi aussi. Et je le dis au Roi pour ce
que j’avais partout trouvé la capitale plus bouillonnante que jamais. Les
ligueux qui, avant l’arrivée du Guise, perdaient cœur et quasiment se
débauchaient, aussitôt qu’il fut là, se redressèrent et bourdonnant comme
mouches à miel, organisaient en quasi ouverte sédition le délire et l’adoration
du peuple. Le Guise, de reste, s’était peu montré en public, sauf le 9 mai
à son arrivée où, dès qu’on le reconnut, il ne put faire un pas en cette
idolâtre Paris sans qu’un grand concours le pressât, les bonnes gens
l’acclamant, lui baisant les mains, les bottes, les sabots de son cheval,
d’aucuns même frottant leurs chapelets contre son manteau pour les sanctifier.
    En ces deux jours, je ne vis dans
les rues que guillaumes conciliabulant, portant, sans se cacher le moindrement,
des armes blanches et des arquebuses, fourbissant ces armes en les
arrière-boutiques, et tenant d’échauffés discours, le chapeau souvent décoré
d’une croix blanche, comme en portaient les vieux massacreurs de la
Saint-Barthélemy, lesquels vantaient partout leurs exploits, s’apensant les
reprendre bientôt, les curés prêchant hors prêche continuement, et je ne sais
combien de tonneaux, futailles et barriques roulés dans les rues et accumulés
en des endroits désignés à l’avance, afin que, les mettant au travers des
avenues, on pût d’un moment à l’autre les disposer et les remplir de pavés
déterrés pour en faire des «  barricades ».
    Des trois quartiers de la
capitale – la Ville, la Cité et l’Université – ce dernier me parut de
loin le plus redoutable en sa résolution, les sorboniques, les moines et les
prêtres ayant insufflé un zèle ligueux tout à plein frénétique au peuple
ensoutané des clercs et des écoliers, lesquels, de par leur jeunesse et leur
querelleuse complexion, n’étaient déjà que trop enclins à la pillerie et à la
révolte. Celle-ci, en le quartier dit de la Ville, sur la rive droite de la
Seine, m’avait paru bon enfant assez, plus frondeuse que ligueuse, et plus
hostile aux archimignons qui mangeaient les pécunes publiques qu’au souverain
lui-même. Mais

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