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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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à vous trouver mol, timide et infiniment pardonnant.
    — Qu’ils le croient ! Je
n’en serais nullement marri de présent ! dit le Roi, en me jetant de son
bel œil noir un fin et connivent regard. – Mon fils, poursuivit-il, ne
t’ôte pas de mon oratoire vieil, je te verrai après messe.
    Cet oratoire vieil dont le Roi
parlait, était à la senestre de sa chambre quand on faisait face aux fenêtres,
et de la chambre, on y passait par une porte basse – comme la plupart des
huis de cette aile du château, chose d’autant plus étrange qu’elle avait été
construite par François I er qui était de taille géantine et se
devait courber beaucoup pour les franchir –, laquelle porte basse était
garnie d’une tenture, se peut, contre le froid.
    Cette tenture soulevée et l’huis
déclos, on se trouvait précisément dans l’oratoire vieil, pièce petite, fort
rectangulaire et nue comme la main pour ce qu’on n’y célébrait plus la messe,
et éclairée par une fort grande et belle fenêtre qui s’ouvrait sur une loge à
l’italienne. Face à cette fenêtre, se trouvait la porte, elle-même basse qui
donnait sur le cabinet vieil, lequel était une pièce carrée avec une grande
table et cinq ou six escabelles, une cheminée et des boiseries aux murs, dont
d’aucunes s’ouvraient par une fermeture secrète dissimulée dans la plinthe,
laquelle, par un déclic, découvrait des armoires où j’imagine que le Roi devait
garder ses plus précieux papiers. Du Halde m’apprit plus tard que le cabinet de
la Reine-mère au premier étage était pareillement disposé en panneaux de bois
fins et sculptés dissimulant des placards, mais que ledit cabinet chez la
Reine-mère donnait sur la campagne, alors que le cabinet vieil du Roi donnait
sur la cour du château. Je le crois sur parole, n’ayant jamais eu l’occasion de
mettre le bout de l’orteil dans l’antre de Jézabel.
    J’espérai le Roi une grosse heure
dans l’oratoire vieil, mais m’y ennuyant à me ronger les ongles, et saisi par
le froid, la pièce n’étant pas chauffée, je passai dans le cabinet vieil où je
trouvai, la Dieu merci, un grand feu et cinq ou six des quarante-cinq que
bien je connaissais et à qui je quérais en oc de joindre leur compagnie, ce à
quoi ils consentirent fort civilement. Mais les voyant occupés à leurs cartes
qu’ils tapaient sur une escabelle, je me mis dans l’embrasure d’une fenêtre où
j’avais vue sur la cour et l’aile Louis XII, laquelle j’aimais prou pour
ce que je trouvais de la gaîté à l’appareillage de briques et de pierres qui
garnissait les deux façades en équerre et la tour qui les joignait. Encore que
la brique soit en Périgord tout à plein déconnue, y ayant en notre province
quantité de belles pierres ocre, et qu’on n’y coiffe pas les toits par des
ardoises, mais par des lauzes, cette aile Louis XII par sa noble rusticité
me ramentut mon nid crénelé de Mespech, pensement qui de prime m’atendrézit,
mais tout soudain me mordit le cœur d’un malenconique regret, d’autant que
tombait cette perpétuelle pluie qui en décembre se voit dans le Sarladais plus
souvent que la neige, et dont l’humide senteur accompagne encore dans mes
narines l’odeur des châtaignes qu’on faisait rôtir dans la cendre de l’âtre.
    J’en étais là de ces pénétrantes
remembrances qui, comme toutes celles qui regardent les enfances, touchent de
si près le cœur de l’homme, quand je vis par les verrières de l’autre côté de
la cour tout un groupe de seigneurs saillir de la chapelle Saint-Calais et de
ceux-là se détacher le Duc de Guise en pourpoint de satin gris clair et le Roi,
vêtu de velours noir, le collier de l’Ordre du Saint-Esprit au col, et le chef
coiffé de son escoffion à aigrette. Ils se mirent à déambuler dans la
galerie-promenoir en équerre de l’aile Louis XII, les colonnes dérobant
quand et quand leurs faces que j’eusse été si friand d’envisager, sachant le
motif de leur entretien. Celui-ci, en mon opinion, dura bien une grosse heure,
et pas plus que les aregardants de la cour qui, pour laisser la place libre au
Roi et à son lieutenant-général, s’étaient groupés à la porte de la chapelle
Saint-Calais, je ne pus deviner s’il fut vif et colère, la seule chose que j’y
observai fut qu’à plusieurs reprises, le Guise se décoiffa de son grand chapeau
à plumes, lequel le Roi, incontinent, le pria de remettre, geste

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