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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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cœur bien lourd (il
s’apensait que je savais pourquoi) et que pour lui, il en ferait autant, non
point tant parce que le révérend docteur Miron avait besoin de lui que parce
que son bouclier partant pour Varsovie, il ne pouvait qu’il ne le suivît,
préférant les frimas de l’exil polonais aux flammes que je savais. Cependant,
il opinait que cet éloignement n’était pas pour durer prou, ayant observé au
Louvre combien Charles était toussant et mal allant. Je fus à quelque peine
pour entendre cette dernière phrase et il m’y fallut un dictionnaire pour ce
que Fogacer l’avait écrite en grec, craignant qu’on ne lût sa lettre sur le
chemin.
    Encore que Catherine eût peu de goût
pour l’étude, elle ne laissa pas, debout derrière moi, de se pencher sur mon
épaule tout le temps que je mis à ce labour, et, le grec traduit, me dit :
    — Que signifie ceci ?
Quelle différence cela fait-il pour Fogacer que le Roi soit toussant et mal
allant ?
    — S’il rend son âme à Dieu, le Duc
d’Anjou est pour lui succéder et partant, s’en reviendra en France avec tous
ceux de sa suite.
    — Ha ! dit Catherine, son
blond visage resplendissant d’une liesse subite, j’en suis fort aise pour
Fogacer.
    À quoi je souris, mais sans dire mot
ni miette, pour ce que de tous les mois que Fogacer avait passés en Mespech
parmi nous, à peu que Catherine se fût aperçue qu’il était là.
    Ce connivent sourire ne put qu’il
n’enhardît Catherine à se déclore un peu plus et, me mettant la main sur la
nuque (elle, pourtant, si épargnante en mignonneries), elle me requit de lire
la lettre de Fogacer, ce que j’accordai incontinent, et ce qu’elle fit non sans
mal, sachant à peine mieux ses lettres que ma petite mouche d’enfer en Paris.
    — Monsieur mon frère,
murmura-t-elle sotto voce, quand elle en fut venue à bout, si j’en crois
Fogacer, vous savez donc pourquoi le baron avait le cœur si lourd en quittant
France pour Pologne ?
    — Mais, Madame ma sœur, vous le
savez aussi.
    — Moi ? dit-elle en
arquant ses sourcils d’un air de candeur enfantine qui me parut mi-naturel
mi-contrefait.
    — Le baron ne vous a-t-il pas
écrit dans sa lettre du corbillon que «  les jours lui dureront années
que serez de lui absente » ?
    — Dois-je cependant le
croire ? dit Catherine d’une voix pressée et pantelante comme si le
trop-plein de son pensamor pût soudain s’épancher. Le baron n’écrit-il pas de
cette même encre aux galantes dames de Cour en Paris ? Peux-je avoir en
lui fiance assez ? N’est-ce pas pitié que le baron aille s’enclore de soi en
cette vilaine Varsovie ? Qui l’y forçait ? Êtes-vous apensé qu’il se
pourrait qu’il m’y oublie ?
    À quoi je me levai et, lui faisant
face, je me pris à rire.
    — Quoi ! dit-elle, fort
sourcillante et redressant la crête, vous osez rire de moi ?
    — C’est, dis-je, riant toujours,
que je ne sais à laquelle de vos questions je dois répondre en premier.
    — Mais, répondez à toutes,
méchant frère ! cria-t-elle en frappant du pied. À toutes ! Je ne
serais pas satisfaite à moins !
    — Oyez donc, dis-je sans plus
m’esbouffer. Votre réponse, la voici, Catherine, ma tant douce sœur, pour
autant que je la connaisse. J’opine que Quéribus vous aime de grande amour et
qu’il ne faillira pas, avant son départir pour Varsovie, à demander votre main
au baron de Mespech.
    — Le cuidez-vous vraiment ?
    — Oui-dà !
    — Ha ! Mon Pierre !
s’écria Catherine. Et elle qui, en son incrédible hautesse répugnait si fort en
son accoutumée aux brassées et poutounes, elle me jeta les bras autour du col
et m’accolant avec autant de force que si j’avais été l’objet de sa dilection,
me baisotta la face à la fureur en disant : « Ha ! mon
Pierre ! Ha ! mon frère ! Vous êtes le plus amiable des
hommes ! »
    — Ma mie ! dis-je en
riant, ce superlatif est de trop. Le plus amiable des hommes est celui dont
«  les yeux n’ont séché  » depuis que la neige a fondu.
    De celui-là, mon père reçut un mois
plus tard une missive tant belle et tant mal orthographiée qu’il fut autant ému
par la sincérité de sa grande amour qu’ébaudi par l’anarchie de ses lettres.
Mais il est tant de clercs en ce royaume, pour ne point parler des
gentilshommes, qui s’avèrent aussi incertains en leur écriture, et non moins
douteurs les imprimeurs, comme il apparaît dans le fait

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