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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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pour deux yeux qui se
clouirent là, combien s’ouvraient, comme j’ai dit, à saillir des orbites parmi
nos gens, dont les langues clabaudaient dru en oc, à cet inespéré et inouï
spectacle de la Curotte du curé se mettant nue devant eux en sa natureté, chose
qu’ils n’avaient jamais crue possible même en leurs rêves les plus dévergognés
et qui leur était un événement de telle immense conséquence qu’il passait même
l’attaque de Marcuays et qu’il leur tardait d’être déjà au lendemain pour
l’aller conter à ceux qui ne l’avaient pas vu. Cependant, à cette branle, et
noise, et jaserie de nos droles succéda un silence où vous eussiez ouï
tournoyer dans l’air une plume de poule, quand la Jacotte, ayant ôté de ses
doigts gourds et glacés la dernière de ses hardes mouillées, apparut enfin en
sa robuste charnure, le pied large, la gambe courte et musclée, la croupière
rondie et forte, et le tétin incrédiblement généreux, encore que ferme et
pommelant.
    Tirant parti de ce que Sauveterre
tournait le dos à cette scène, Miroul n’avait pas craint de jeter dans l’âtre
un fagot entier, lequel prenant feu sur les braises, flamba tout soudain haut
et clair, éclairant cette statue de chair et de sang en toutes les parties de
sa robuste femelleté, et d’autant qu’affamée de la chaleur des flammes, la
pauvre Jacotte (mais dois-je encore l’appeler pauvre, le ciel l’ayant, à toutes
vues, si richement dotée ?) se tournait qui-cy qui-là pour se dégourdir
plus avant, aucun n’ayant d’yeux assez pour la voir, hormis, comme j’ai dit,
Sauveterre et mon aîné François lequel, sans tourner tout à plein la froide
épaule à cet envigorant spectacle, l’envisageait la paupière mi-close d’un air
supercilieux. Ce qu’observant mon père, il dit en oc d’une voix gaussante.
    — Ha bah ! La duchesse ou
la laboureuse, c’est tout le même, quand on en vient à la natureté !
    — Duchesse n’ai mie en ma vie
espinchée, dit la Barberine, laquelle ayant sorti du coffre ses cotillons, et
les trouvant fraîchelets, les tendait devant le feu de ses deux mains avant que
de les bailler à la Curotte – mais des tétins comme voilà, je dis qu’on
n’en a pas vu souvent dans le pays alentour. Havre de grâce ! Même les
miens, quand j’allais nourrissant les petits moussus de Mespech, ils n’étaient
point tant si gros et si beaux.
    — Ho que si, Barberine !
dis-je. Et moi qui y ai bu trois ans…
    — Quatre ! dit Barberine.
Et même que tu y goûtais encore, friand que tu étais quand j’étais nourrissant
Catherine.
    — Ho ! dis-je, que bien je
me les ramentois ! Ronds à plaisir et doux à la menotte !
    À quoi elle rit de franche liesse,
et le pauvre Pétromol, notre sellier, qui avait perdu femme et enfants par
peste, ces six années passées, dit d’une voix rauque et basse :
    — Excusa-me, Jacotte, et toi aussi Barberine, mais les popetas de la Sarrazine,
quand elle les baillait à son pitchoune le dimanche à la tablée de
Mespech, – plus petits se peut que les vôtres, mais bruns et dorés que
c’était merveille, et tant mignons à voir que j’aurais bu à eux, je ne me
régalais pas plus. Sans offense, Sarrazine !
    Mais Sarrazine, qui entendait bien
que Pétromol pâtissait prou d’être en sa vie seulet, l’envisagea avec
compassion de ses beaux yeux de gazelle, et tenant comme toutes les garces
présentes que le plaisir de nourrir n’est point seulement pour la mère et
l’enfant, mais comme le veut le ciel en sa bénignité, pour tous les aguignants,
sourit avec une douceur que j’eusse dite de la Benoîte Vierge si n’étais
huguenot, et dit :
    — Grand merci, Pétromol.
    — Cornedebœuf ! gronda
Sauveterre, en français, langue de nos gens tout à plein déconnue, va-t-on
jaser et babiller sur tous les tétins à la ronde quand on pille Marcuays ?
    Et assurément il n’eût pu gloser sur
ceux qu’on voyait là, leur tournant si obstinément le dos.
    — Espérez un peu, mon frère,
dit le baron de Mespech, il faut le temps de s’armer en guerre : nous ne
pouvons courre au branle en pourpoint.
    Comme il parlait, Cabusse revint,
suivi de Coulondre et Jonas, tous trois ayant leurs bras musculeux chargés de
corselets, d’armes et de morions, lesquels, si doucement qu’ils les posèrent
sur la table, y firent en s’entrechoquant quelque bruit et noise qui nous
réveillèrent comme chevaux qui oient la

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