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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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présente en sa réalité, si mon
esprit avait été souverain assez pour l’incarner ! –, mon Miroul vint
me secouer comme noyer pour dire que mon père m’espérait en sa chambre, devant
se rendre au marché de Marcuays pour y barguigner un couple de bœufs dont son
bouvier lui avait dit grand bien.
    — Ha mon Pierre ! dit mon
père (Franchou tournant autour de lui pour l’habiller, ce que les mouvements
tant vifs et continuels du baron rendaient fort incommode), vous voilà !
Ôte-toi du chemin, Franchou !
    — Moussu, vous ne pouvez aller
nu !
    — Ôte-toi ! Pierre, une
forte brassée ! Pierre en deux mots ! La condition, la voici !
Mais laisse-moi, Franchou, cornedebœuf !
    — Moussu, espérez un peu :
je vous boutonne le pourpoint ! Pouvez-vous montrer aux manants votre crin
de poitrail ?
    — Pierre, la condition !
Ha ! la peste soit de la mouche à voleter à mes alentours ! Que
fais-tu à mon col ?
    — J’y boutonne la fraise.
Va-t-on vous voir à Marcuays défraisé ?
    — Pierre, il s’agit pour vous
de promettre au Père Anselme d’ouïr la messe chaque fois que vous vous
encontrerez en un logis dont le seigneur est catholique.
    — N’est-ce que cela ?
dis-je. C’est peu.
    — C’est peu et prou. Tu
m’étouffes, sotte embéguinée ! Ôte tes doigts de mon gargamel !
    — Moussu ! Votre fraise
pend comme pis de vache ! laissez-moi la boucler !
    — Monsieur mon père, je ne vous
entends pas. Où est le prou dans ce peu-là ?
    — À supposer que vous soyez au
Louvre commis par le Roi à aider Miron et Fogacer dans leurs curations, vous
devrez ouïr la messe quotidiennement, étant en la demeure du Roi. Niquedouille,
as-tu enfin fini ?
    — Moussu, vos chausses pendent
et votre aiguillette est déclose !
    — Mon père, dis-je, la voix me
passant à peine le nœud de la gorge tant elle était serrée, est-il question de
cette commission ? Suis-je pour la remplir ? Est-ce donc
décidé ?
    — Tout à plein ! Franchou,
ventre Saint-Antoine ! Ôte-toi les doigts de là !
    — Moussu, vous ne pouvez aller,
débraguetté, par les rues de nos villages. Ma fé  ! On rirait bien
de vous !
    — Médecin du Roi ! dis-je
tout rêveux, n’est-ce pas émerveillable ! Que peux-je appéter de
mieux ?
    — Certes, mais mon Pierre, ouïr
la messe !
    — Je l’orrai d’une oreille
huguenote.
    — Autant dire que tu seras
assis le cul entre deux escabelles : Une fesse à Genève, l’autre à Rome et
fort écartelé. Franchou, ma petite caille, as-tu fini ?

— Oui-dà, Moussu ! Vous
voilà net ! Et gai comme un alléluia de Pâques !
    — Amen. Pierre, songes-y
encore ! La messe tous les jours !
    — Mais mon père, en
Paris ! Au Louvre ! Médecin du Roi !
    À quoi mon père ne dit mot ni
miette. N’avait-il pas servi loyalement, tout huguenot qu’il fût, notre Roi
Henri II, lequel fut pourtant celui qui commença contre nous la
persécution que l’on sait ? Et il s’en fut, chantonnant une chanson
gaillarde en le soleil de ce bel été, la gambe alerte, le dos droit, et comme
avait dit Franchou qui le suivait de l’œil comme la poule, son coq rutilant,
« gai comme un alléluia de Pâques ». Et qu’on lui pardonne de mêler
ainsi le profane au sacré, mais c’est là un dicton que nos garces citent
volontiers en notre Périgord sans y voir malice.
    Je bondis jusqu’à la chambre de mon
Quéribus et n’ayant pas eu réponse à mon toquement d’huis, entrai et le trouvai
nu en sa natureté sur sa coite, le drap repoussé et lui-même ensommeillé et
encagnardé dans les doux rêves qui eussent été encore les miens, quoique sur un
objet différent, si Miroul ne m’avait pas réveillé. Et à vrai dire, je balançai
un petit à faire saillir le baron de ses songes, mais me réfléchissant qu’il
avait, lui, l’avantage, en déclosant les paupières, de jeter l’œil sur sa
grande amour, ce qui n’était pas en mon pouvoir, j’avançai les doigts pour le
prendre à l’épaule, et cependant, laissai ma main dans l’air en suspens, tant
me frappa alors sa ressemblance avec moi et d’autant plus que son œil était
clos, lequel chez moi est bleu-gris et le sien, bleu azur, bordé de cils noirs
qui en avivent l’éclat. C’est cette particularité qui jointe à la ciselure plus
délicate de son nez et à la jolie ourlure de sa bouche (lesquels chez moi sont
plus frustes) me faisait l’admirer au-dessus de moi

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