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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Tant est que M. de Montcalm le
couvrit de clicailles et le renvoya.
    — Mais, dis-je fort étonné,
fallait-il tant lui graisser le poignet pour prix de ses répétés échecs ?
    — Il le fallait ! Sans
cela, il eût pu dénoncer Larissa comme sorcière à l’évêché. Ce qui l’eût mise
en grand péril d’être brûlée, toute fille de Comte qu’elle fût ! Raison
aussi pour quoi M. de Montcalm, faisant violence à la grande amour qu’il
nourrissait pour elle, la serra en un couvent où la pauvrette demeura des
années et y aurait croupi assurément jusqu’à la fin de ses jours infélices, si
Samarcas ne l’en avait tirée.
    — Qui est ce Samarcas ?
    — Un jésuite. Vénéré par les
Montcalm pour ce qu’il ramena Larissa en Barbentane, l’exorcisa, la purifia et
la remit à la parfin en la possession de son âme.
    — Et quand ce Samarcas vint-il
à bout de ce miracle ? dis-je, au moins autant étonné par la curation que
par l’intempérie, pour ce que je décrois tout à plein ces démoniaques
possessions, opinant, comme M. de Montaigne, que les sorcières ne sont que
pauvres folles, sans rien du diable en elles qu’en leur imaginative et relevant
de l’ellébore plus que de la ciguë. Cependant, je tus à Quéribus ce sentiment,
pour ce qu’il heurte l’opinion commune en notre siècle et apparaît quasi
sacrilégieux aux Églises – la réformée comme la papiste.
    — Deux mois après la
Saint-Barthélemy, dit Quéribus. Il y a donc quasiment deux ans que Larissa est
décloîtrée. Et l’ayant vue à mon retour de Venise, je peux testifier qu’elle
est à ce jour tant saine qu’Angelina, à laquelle la lie un lien si intime et si
quotidien qu’on ne peut quasiment voir la première sans voir la seconde,
chacune étant comme le reflet de l’autre.
    Parole que j’ouïs avec quelque
malaise, non certes que je souhaitasse que la pauvre Larissa fût encore en son
couvent, mais je ne laissai pas toutefois de m’apenser que le passé de cette
pauvre garce ne pouvait qu’il n’eût laissé en elle quelques traces, et
celles-ci peut-être périlleuses pour sa sœur jumelle, laquelle était tant naïve
et affectionnée qu’une enfant.
     
     
    Les Montcalm firent un émerveillable
accueil à mon père, à Catherine et plus encore à moi-même, non point seulement
parce que j’allais leur être ce fils que la fortune avait voulu qu’ils
n’eussent point (quatre enfants, dont deux mâles, leur étant morts en bas âge)
mais aussi pour se racheter, en quelque guise, du malgracieux visage dont ils
m’avaient en Paris rebuffé, voulant alors marier leur fille à ce grand fat de
Condomine.
    Notre troupe survint en Barbentane
pour la repue du soir et M me de Montcalm, fort splendidement vêtue
en une robe bleu azur et parée de fort beaux bijoux, me murmura à l’oreille
après que je lui eus baisé la main à l’espagnole.
    — Monsieur, prenez patience.
Vous allez voir votre Angelina. Elle achève de s’attifurer.
    — Ha Madame ! dis-je, fort
ému qu’elle ait dit ce « votre ». De la patience, j’en ai eu, comme
Angelina, durant de fort longues années et je jure que je n’en garde mauvaise
dent à personne, respectant le scrupule de conscience qui fit tout le délai.
    — Pierre, dit M me de
Montcalm, qui à ces mots eût pleuré, si les pleurs n’eussent pas gâté le
pimplochement de son bel œil, vous nous serez un bon fils, j’en suis tout
assurée. Baisez là.
    Et elle me tendit sa joue où je mis
un poutoune fort léger, ne voulant ni gâter la céruse dont elle était enduite,
ni m’y aigrir la lèvre, ayant peu de fiance en la digestibilité de ce blanc,
que l’on tire, à ce que j’ai ouï, du plomb, ce métal n’étant point en bon renom
chez les apothicaires. De la joue suave de M me de Montcalm, je
passai à la rêche joue du Comte, lequel me donna, par surcroît, une forte
brassée et quelques bonnes et rudes tapes sur l’épaule et le dos, mais cela
sans dire un mot, ayant larme au bord du cil, gargamel noué, et étant, à ce que
je cuide, excessivement félice en son for d’accorder enfin les rigueurs de sa
papiste foi à la gratitude qu’il me devait pour lui avoir vie sauvée.
    Le Père Anselme se tenait à sa
dextre, lequel me serra contre sa bure et me claqua deux gros poutounes à la
paysanne, me louant de ma bonne mine à sa manière enjouée et gaussante dont je
pus voir qu’elle plaisait fort à mon père, ce maître moine

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