Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
n’étant pas
chattemite comme souvent ceux de sa confrérie, mais l’œil franc, le cou fort,
le poitrail large, le cheveu ras comme chaume après moisson, le nez grand et
courbe comme soc de charrue, le menton galochard, la gueule bien fendue, la
denture blanche et belle, la parole sonore et quand il riait, un rire à lui
secouer les tripes dedans sa tressautante bedondaine.
    À sa senestre se tenait un
personnage que M. de Montcalm me présenta comme étant le père jésuite Samarcas
dont la vêture me surprit fort pour ce qu’il ne portait ni bure ni soutane,
mais un pourpoint de velours noir avec une fraise grande assez et un poignard
au côtel, dont j’augurai qu’il saurait user dans les occasions, pour ce qu’il
était comme le capitaine Cossolat de Montpellier, un homme fort bien pris en sa
taille et fort carré des épaules, sans graisse aucune, mais la membrature sèche
et musculeuse, et je ne sais quoi de prompt et de souple en son moindre
mouvement qui disait l’homme rompu aux athlétiques exercitations. Et en effet,
à peine sut-il que Giacomi était maître en fait d’armes qu’il quit de lui, dès
le lendemain, un assaut et s’y montra épée fort fine. Plus même, ou pis même,
comme on voudra : quand il cuida s’être insinué assez dans les bonnes grâces
du maestro, il lui dit en confidence qu’il avait ouï en Paris (lequel
lui était tout aussi bien connu que Rome, Madrid, Lisbonne ou Londres) que
l’Italien était le seul à posséder la botte de Jarnac, et que possédant, quant
à lui, la botte dite des jésuites, il eût aimé que Giacomi et lui
barguignassent leurs respectifs secrets. Proposition que Giacomi tout de gob
déclina, bien qu’à sa courtoise guise, et m’en dit le lendemain la raison.
    — Mon Pierre, ne savez-vous
point que le jésuite est tenu d’obéir à son ordre perinde ac cadaver [11] .Bailler la botte de Jarnac à un jésuite, c’est la bailler à tous ceux de sa
farine.
    — Même s’il s’engage par
serment à ne la jamais révéler ?
    — Le général des Jésuites le
relèvera de ce serment. Quelques signes de croix, quelques mots latins, é il
giòco i fatto [12] .
    — Monsieur mon frère, dis-je
avec un sourire, vous connaissez les Ordres papistes mieux que moi, mais
n’avez-vous point appétit à apprendre cette tant fameuse botte des
jésuites ?
    — Oui-dà, mais pas au prix qu’y
met Samarcas ! Ma conscience (et le serment fait à mon maître) dont je
jure que personne en ce monde ne me relèvera mie, me font une obligation de ne
révéler point la botte de Jarnac pour ce que, coupant, comme bien vous savez,
le jarret de l’assaillant, elle le rend à vie estropiat.
    — Et cependant, vous me l’avez
apprise.
    — À vous seul, mon frère, dit
Giacomi, me jetant son long bras par-dessus l’épaule, à charge de ne la
divulguer point et pour ce que j’ai toute fiance en vous. Mais Samarcas !
Savons-nous seulement de quelle nation est issu ce mystérieux guillaume !
Ce religieux porte-dague ! Ce moine sans couvent ! Ce tonsuré à gambe
voyagère qui va chevauchant de royaume en royaume et qui jargonne un français
baragouiné d’espagnol, d’italien et d’anglais !
    — Dieu, dis-je, souriant
derechef, a baillé le don des langues aux apôtres.
    — Le bel apôtre que
celui-là ! Qui sert-il en ses missions lointaines ? Le Pape ?
Philippe II ? Le Guise ? Il revient de Londres. Qu’y est-il allé
faire ? Cuidez-vous qu’il y ait attenté de convertir au catholicisme la
Reine Elizabeth ? Et de quelle origine, cause et nature est la grande
seigneurie qu’il exerce sur Larissa au point qu’elle l’envisage avec une
vénération tant craintive et prosternée que s’il était Dieu lui-même !
    — C’est qu’il l’a exorcisée,
dis-je, voulant à Giacomi celer combien je décroyais, et la possession
démoniaque, et la dépossession.
    — Mais l’exorcisme est rite
public et solennel, dit gravement Giacomi. Et au rebours de toutes les règles,
celui de Samarcas fut privé et secret, se déroulant en chambre verrouillée, où
il s’était avec Larissa enclos pour n’en saillir que trois jours et trois nuits
plus tard, Larissa quiète, coite et angélique, à ce qu’on m’a conté. Voilà qui
pue le sortilège !
    — Ha Giacomi ! dis-je en riant,
si l’exorciste même est soupçonné de magie, où s’arrêtera l’Inquisition ?
    — Mais savez-vous encore,
reprit Giacomi que je n’avais

Weitere Kostenlose Bücher