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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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poussant Guise à lui crocheter son royaume et sa vie.
    — Vous m’étonnez, dis-je avec
un sourire, depuis dix ans que je le sers, j’ai ouï Henri protester plus de dix
fois de son zèle à servir l’Église et à extirper l’hérésie.
    — Il cale la voile, dit Fogacer avec son sinueux sourire. Manœuvre à quoi notre Henri
excelle dans les tempêtes. Et comme vous avez si bien dit, le diable sait si
nous en avons.
    — Je n’ai pas dit le Diable,
mais Dieu.
    — Et d’où jugez-vous, dit
Fogacer, que c’est Dieu qui souffle sur le royaume ces pestilentielles
nuées ?
     
     
    Plaise au lecteur de me pardonner de
sauter à beau pied comme je viens de le faire de 1574, date de mon mariage et
de mon établissement en Paris – à 1584, année fort néfaste au royaume et à
mon bon maître le Roi Henri Troisième. Mais mon humeur étant de galoper et non
de marcher l’amble, j’eusse craint d’ennuyer à conter mon bonheur domestique au
long de ces dix années révolues, lesquelles furent pour moi tant calmes et
paisibles que douce rivière en prairie sinuante. Non que les troubles et
remuements, notablement dus à Monsieur, frère du Roi, manquassent en
notre pauvre France, mais ce furent là, malgré tout, des années presque
paisibles au regard de ce qui allait lugubrement suivre à partir de 1584, et en
l’État, et en ma vie, laquelle, étant fort engagée au service du Roi, redevint
tout soudain à cette date que je dis, agitée, torrentueuse, et bondissant de
roc en roc sur d’inouïes traverses.
    C’est le 6 mai de cette
année-là qu’apparurent dans le ciel de France les premiers vents tempétueux qui
allaient déchirer le royaume et ébranler le trône. Et bien je me ramentois que
me l’annonça le beau baron de Quéribus, lequel me visitait cet après-midi-là
avec ma petite sœur Catherine en mon logis de la rue du Champ Fleuri, laquelle
se situe à deux pas du Louvre et parallèle à la rue de l’Autruche, où je l’y
trouvai, en revenant dudit Louvre en compagnie d’Angelina, tenant dans ses bras
mon fils Olivier, son quatrième enfantelet, lequel avait un an d’âge et
quoiqu’il marchât déjà, babillait encore une langue tout à plein déconnue.
    Quéribus, magnifiquement vêtu d’un
pourpoint saumon et de chausses en camaïeu, la fraise large, immaculée et
gaudronnée à la perfection, le bonnet ou coffion portant aigrette, laissant
voir sur le devant ses cheveux frisurés et envolutés, lesquels revenaient sur
le rebord dudit bonnet, les perles en rangs plus serrés que soldats en bataille
lui barrant le poitrail, un diamant pendant et tremblant au bout de son oreille
senestre, et portant bagues sur ses gants à ses deux mains. C’était là, à la
vérité, pour notre beau muguet, une vêture modeste assez, comparée aux
somptueuses attifures qu’il portait aux bals de la Cour, ayant en ses coffres
plus de cent costumes tant riches (et plus) que celui-là, où le satin, la soie
et le brocart se mêlaient à ravir, à telle enseigne qu’il eût pu porter chaque
jour que Dieu créait un appareil différent, et souvent le faisait, ne voulant
point être vergogné devant le Roi par de plus chamarrés que lui. Ai-je oublié
encore la courte cape marron et dorée, pendant d’une épaule et escarmouchant sa
taille de guêpe, sans laquelle aucun galant n’eût osé se montrer à la Cour,
même par la canicule ?
    Je sus que Quéribus était dans ma
maison avant que de jeter l’œil sur lui et à peine mon huis déclos, par
l’odorant sillage qu’avaient laissé derrière lui les parfums dont il se
pulvérisait, lesquels, assurément, dépassaient en force, sinon en suavité, ceux
de Catherine et d’Angelina réunies.
    Et en effet, à peine avais-je mis le
pied dans la grand’salle que je le vis aussi grand que nature (et l’air
beaucoup moins naturel, ayant l’œil fardé et le teint enduit de céruse) se ruer
à moi, les bras ouverts et m’étouffant quasiment de sa forte brassée, mais
cependant sans me poutouner plus que du bout du bec, craignant sans doute de
gâter sa céruse. Et à peine eus-je le temps de saluer Madame mon épouse et
Madame ma sœur qu’il me serra à soi derechef et le bras jeté autour de mon col,
me dit :
    — Ha mon Pierre ! les
choses vont de mal en pis au royaume ! Monsieur se meurt !
    — Quoi ! dis-je, la chose
est sûre ?
    — Certaine ! Je la tiens
de Marc Miron. Réduit qu’il était déjà, sec, étique,

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