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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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atténué, Monsieur en est à cracher et toussir le reste de ses poumons.
    — Cornedebœuf ! dis-je, je
ne le pleurerai pas !
    — Moi non plus ! dit
Quéribus.
    — Eh quoi ! dit Angelina,
comme à son accoutumée bénigne et piteuse, n’y aura-t-il personne en ce royaume
pour verser larmelette sur ce frère nôtre qui va passer ?
    — Ce frère, dit Quéribus, fut
pour le Roi un frère exécrable. Il a levé des armées contre lui. Il a tout
mêlé, tout brouillé ! Traître à son sang ! Infidèle à son frère et
souverain !
    — Il est de fait, dit
Catherine, que le Duc était excessivement laid : petit, noir comme
pruneau, les gambes torses, la face bouffie et gâtée de la petite vérole. Jà ne
se vit chez les Valois pareil avorton.
    — Mais l’âme pire que la face,
dit Quéribus, étant tout ensemble couarde et cruelle.
    — Cruelle ? dit Angelina.
    — Ha ! dis-je, à n’en pas
douter ! Le Duc fit massacrer à Issoire en 77 tous les manants et
habitants huguenots de ladite ville, après qu’ils se furent à lui rendus.
    — Ha pour cela ! dit le
baron en riant, les huguenots sont comme l’hydre de Lerne, on leur coupe une
tête : sept repoussent !
    — Monsieur, dit Catherine,
sourcillante et la crête haute, si vous vous gaussez de mes parents huguenots,
l’huis de ma chambre vous sera clos ce soir !
    — Madame mon épouse, dit
Quéribus en s’agenouillant gracieusement devant son vertugadin brodé d’or (la
vêture de Catherine ne le cédant rien à la sienne en somptuosité), à ce
châtiment, lui-même tant cruel, je préférerais le chevalet et la roue !
Plaise à vous de me pardonner ma petite gausserie !
    Ce disant, il lui prit les deux
mains qu’elle lui abandonna avec un souris et les baisotta, prenant soin de ne
pas y aller trop à la fureur pour ne pas gâter sa céruse.
    — Il reste, dit-il en se
levant, que Monsieur fut au royaume proprement calamiteux. Il a failli à
lui rien apporter de bon. Et le pis est qu’ayant, vif, desservi le Roi, il le
dessert, mort, davantage.
    — Comment cela se
peut-il ? dit Angelina, levant vers lui son bel œil noir, transparent, et
naïf. Mort, pourrait-il méfaire ?
    — Hélas oui ! dit
Quéribus, mort, il pose au Roi le tracasseux problème de sa succession, Henri
n’ayant pas d’enfant, combien qu’il soit depuis dix ans marié. Monsieur eût pu lui succéder, comme Henri lui-même a succédé à son frère Charles, et
comme Charles IX lui-même, à son frère François II.
    — Mais, dit Angelina, la
Benoîte Vierge peut encore l’accommoder d’un fils. Ma gentille sœur Catherine
fut sept ans sans enfant avant que la Benoîte Vierge lui voulût bien bailler un
fruit.
    — Assurément, le Seigneur me
fut à la fin complaisant, dit Catherine, laquelle huguenote en son cœur (encore
que comme moi elle dût ouïr la messe) ne voulait pas nommer Marie comme
l’auteur de ce divin bienfait.
    — Raison pour quoi, dit
Quéribus, le Roi pèlerine à user ses semelles de Notre-Dame de Paris à
Notre-Dame de Chartres, couvrant en deux jours ce très long chemin, et n’y
gagnant rien que des pieds ampoulés que soigne le chevalier de Siorac.
    — Lequel chevalier, dis-je en
riant, soigne aussi les siens, et au retour, fait semeller ses souliers, alors
que j’ai ouï dire que Sa Majesté jetait les siens, n’ayant point été élevé dans
l’économie huguenote !
    Comme je disais, l’enfantelet
Olivier se mit tout soudain à hucher à oreilles étourdies. Mon Angelina
incontinent délaça sa cotte, et en faisant saillir le plus beau tétin du monde,
le donna à sa bouche sans dents, pour ce que je l’avais persuadée qu’aucun
tétin étranger ne vaudrait jamais le sien, à nourrir son pitchoune, et qu’il
serait temps de recruter une nourrice lachère, si son lait venait à tarir. Ce
qui ne fut.
    Nous nous accoisâmes le temps que
dura cette tétée, émerveillés et atendrézis que nous étions tous quatre par ce
tant gracieux spectacle et par l’insatiable appétit de ce marmot, gloutissant à
tas, et ce faisant, crochant ses petits doigts dans ce parpal si rondi, si
suave et si blanc que je ne le pouvais voir sans que mon cœur battît.
    Quand l’enfantelet eut enfin fini
ses agapes, Angelina me requit sans piper de son œil de biche de le lui prendre
des bras et de le tenir droit en marchant qui-cy qui-là, afin que le petit
malappris fît son rot, Angelina cependant relaçant sa cotte, mais

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