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Le Prisonnier de Trafalgar

Le Prisonnier de Trafalgar

Titel: Le Prisonnier de Trafalgar Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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bout, se dressait la Maison du Port, inchangée.  
    Comme il se mettait en marche dans cette direction, il vit quelques personnes qui sortaient des maisons dans le quartier des Carmes et s’attroupaient devant ce qui devait être l’auberge de Poudiot. Le hussard s’était arrêté là. De loin, Hazembat reconnut Mingehort, l’oncle de Pouriquète, devenu une monstrueuse montagne de graisse. Il versait à boire au hussard.  
    Comme Hazembat s’approchait, il vit le cavalier faire mine de sortir une pièce de sa poche pour payer son écot, mais Mingehort l’arrêta en déclarant d’une voix forte :  
    — C’est gratis, camarade ! Rien n’est trop bon pour nos libérateurs !  
    Il y eut quelques acclamations. Rassurés, les gens s’approchaient pour voir le hussard de plus près. Mais ce dernier, avec un geste de remerciement, tourna bride et, piquant des deux, s’engagea dans la venelle qui montait à l’hôtel de ville.  
    Hazembat pressa le pas et gagna la Maison du Port. L a porte charretière était fermée et barrée. Il la heurta du poing.  
    Au bout d’un long moment, une fenêtre s’ouvrit au premier étage et le visage d’un homme inconnu apparut.  
    — Qu’est-ce que c’est ?  
    — Je suis Hazembat !… Bernard Hazembat. Est-ce que mes parents sont ici ?  
    L’autre le regarda, les yeux ronds, puis disparut. Un long moment plus tard, un autre visage se montra. C’était celui d’un vieux et il fallut quelques instants à Hazembat pour reconnaître Perrot Rapin.  
    — Perrot ! C’est moi, Bernard ! Ne’m coneishes pas ?  
    —  Bernard !… mon Diu !… Oh, mon pauvre petit !… Attends, on va t’ouvrir !  
    La porte tourna en grinçant sur ses gonds. Il reconnut vaguement le garçon qui lui ouvrit.  
    — Tu dois être Albert Castets, dit-il. Je t’ai connu tout drôle.  
    — Oui, quand tante Rapinette est morte, l’an passé, nous nous sommes installés ici. Perrot vit avec nous.  
    Ils gravirent le grand escalier de pierre. Quand ils arrivèrent dans la salle commune, Perrot s’avança vers Hazembat, les bras ouverts. Il devait avoir un peu moins de la soixantaine, mais, perclus de rhumatismes, il marchait péniblement.  
    — Assieds-toi, petiot… Mon Diu, mon diu Et tout le monde qui te croyait mort !… J’ai entendu que tu demandais après tes parents…  
    — Où sont-ils ?  
    — Ce sont de bien tristes nouvelles, petiot, que tu trouves à ton arrivée… Ton père est mort il y a quatre ans et ta mère deux ans plus tôt dans la grande épidémie de 1808 …  
    Pour son père, Hazembat ne fut pas trop choqué.  
    Soixante ans, pour un batelier de la Garonne, c’était déjà beau d’atteindre cet âge. Mais la mort d’Hazembate le frappa au cœur. Il se rendait compte maintenant qu’il n’avait jamais imaginé son retour sans le sourire de sa mère pour l’accueillir, ni sans la lumière qui dansait dans ses yeux.  
    — Comment est-elle morte ?  
    — Ah ! c’est la terrible peste qu’ont amenée les prisonniers espagnols. On les avait enfermés dans les caves, sous la mairie, et, de là, l’infection s’est étendue à toute la ville. Il y a eu plus de cent cinquante victimes cette année-là et autant l’année suivante : Maître Boissonneau, ton parrain Bernard Coutures, Capulet Dubernet, le père de Pouriquète, ton cousin Guitoun Paynaud et puis aussi, bien sûr, le pauvre Jantet.  
    — Jantet est mort ?  
    — Quelques mois après son mariage. Ça ne lui a pas porté chance de prendre ta place. Il n’a même pas connu son fils…  
    — Il a un fils ?  
    — Oui, il s’appelle Pierre, comme moi. Il va avoir six ans.  
    Pouriquète veuve et mère d’un garçon. C’étaient trop de choses à la fois, Hazembat sentit la tête lui tourner.  
    — Tu es tout palichot, petiot ! s’écria Perrot. Albert ! attrape donc une bouteille du vin de Fargues. Nous allons trinquer à ton retour et tu vas nous raconter tes aventures.  
    — Non, merci, Perrot, pas maintenant. Où est Pouriquète ?  
    — A la boutique des Dubernet, tiens ! Elle la fait marcher avec ta sœur Janote et sa sœur Castagne qui a fini par épouser Louis Castaing. Ils ont même deux enfants !  
    — Si tu veux bien m’excuser, Perrot, je vais aller rue Saint-Gervais tout de suite.  
    — Mais va, petiot ! va ! Les femmes seront contentes de te voir !  
    En remontant la rue de la Brèche à grands pas,

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