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Le Prisonnier de Trafalgar

Le Prisonnier de Trafalgar

Titel: Le Prisonnier de Trafalgar Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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Hazembat claquait des dents, comme pris de fièvre. Il tourna dans la rue Saint-Gervais en courant. Les yeux brouillés, il distinguait une forme sombre devant la boutique. Il songea à son premier retour. Sa mère était là, en train de ranger l’étalage.  
    Et, soudain, Pouriquète fut devant lui. En une seconde, il la vit plus belle que jamais, mais aussi plus frêle. Sa peau était à peine ridée et elle laissait davantage qu’autrefois deviner la fine ossature du visage. Elle portait la coha noire sur ses cheveux toujours aussi fins et soyeux. Il se sentit comme noyé dans la clarté douce et voilée qui émanait de ses yeux. Elle les écarquilla, ouvrit la bouche en un cri silencieux, puis s’affala, petit tas d’étoffe noire sur le pas de la porte, où se détachait la pâleur du visage.  
    Se jetant en avant, il se trouva nez à nez avec une image de lui-même, habillée en femme. Sa sœur Janote le regarda fixement et dit d’une voix calme :  
    — Bernard, il ne faut pas faire de ces peurs. Tu aurais pu la tuer de saisissement.  
    Elle saisit Pouriquète dans ses bras puissants et la porta sur une chaise dans la boutique.  
    — Elle est fragile, tu sais. Ni elle ni moi n’avons jamais cru que tu étais mort, mais elle ne s’attendait pas à te voir.  
    Castagne survint, suivie de trois enfants. Tandis qu’elle s’affairait avec Janote autour de Pouriquète, lui appliquant des compresses sur les tempes et lui faisant boire de l’eau de mélisse, elle jetait de temps en temps un regard incrédule sur Hazembat.  
    —  Per Diu ! penser que tu es revenu comme ça ! Et le jour où les Anglais arrivent, encore !  
    — Comment va Castagnot ?  
    — Il est à Rochefort, mais il va revenir, maintenant que la guerre se termine.  
    — Ce sont vos enfants ?  
    — Les deux plus jeunes : Louis qui a quatre ans et Jeanne qui en a deux. Le troisième, c’est Pierre, le fils de Pouriquète.  
    Le garçon avait la finesse de traits des Rapin, mais il lui manquait le menton volontaire de Jantet. Il ressemblait plutôt à son oncle Tignous. Il considérait Hazembat d’un air méfiant. Pouriquète revenait à elle.  
    — Bernard…, murmura-t-elle, et elle fondit en larmes.  
    — Eh ! il ne faut pas pleurer, pecque, dit-il affectueusement en la prenant par les épaules.  
    Elle blottit sa tête contre lui.  
    — C’est de joie… et, oh, Bernard ! j’aurais dû t’attendre !  
    — Tu m’as attendu. Tu es là, je suis là.  
    — Il faut qu’elle aille s’étendre, dit Janote. Aide-la à monter dans sa chambre, Bernard.  
    La chambre n’avait pas changé. Hazembat revit la fenêtre par laquelle il passait pour aller rejoindre Pouriquète. La vigne avait grandi et une branche masquait en partie la vitre d’en haut.  
    — Aide-moi à défaire ma coiffe, Bernard, s’il te plaît. Tendrement, il dénoua le foulard et laissa les cheveux se répandre autour du visage aimé. Elle était toute pareille au matin où il l’avait quittée pour la-dernière fois dans cette même chambre, dans ce même lit.  
    Il regarda le lit et son cœur se serra en imaginant Jantet. Elle dut le comprendre, car elle dit :  
    — Mon père nous avait laissé sa chambre. Quand Jantet et lui sont morts, je suis revenue ici pour t’y attendre, Bernard.  
    Il abaissa ses lèvres sur les siennes.  
    — Je connais le chemin, dit-il en montrant la fenêtre.  
    — Tu n’en auras pas besoin. Tu vas habiter avec nous, maintenant, n’est-ce pas ?  
    — La guerre n’est pas finie, Pouriquète.  
    — Tu vas repartir ?  
    Il l’embrassa de nouveau.  
    — Pas tout de suite et pas pour longtemps, je pense. Mais il faut que j’aille me présenter à la marine.  
    — Tu seras là ce soir ?  
    — Oui, Pouriquète, je serai là.  
    Le dernier baiser fut plus long et plus doux encore. Janote attendait Hazembat dans la boutique.  
    —  L ' Aurore est à Saint-Macaire avec Caprouil et Crabot. Ils ont été réquisitionnés.  
    — Elle navigue encore ?  
    — Avec tout le trafic qu’il y a eu, elle n’a pas chômé. C’est moi qui m’en suis occupée. Perrot l’avait donnée à notre père qui te l’avait donnée. Elle est à toi, maintenant. Mais, s’ils se battent sur la Garonne, il ne faudrait pas qu’ils aillent la détruire.  
    — Je vais voir.  
    — Tu es habillé comme un gueillous. Castagne t’a porté ce costume de Castagnot. Il doit

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