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Le Prisonnier de Trafalgar

Le Prisonnier de Trafalgar

Titel: Le Prisonnier de Trafalgar Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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Billings. On récita la prière du Seigneur, on chanta encore un psaume, puis le Révérend Scougal se racla la gorge et se mit à prêcher.  
    La métamorphose était étonnante. Sa voix s’était faite puissante et sonore, il paraissait avoir gagné un pied de stature et ses yeux lançaient des éclairs. Il dénonça le péché qui était au sein de chaque homme et de chaque femme, le décrivit dans toute son horreur diabolique, lança sur lui l’anathème de Dieu et promit aux pécheurs d’effroyables tourments sur lesquels il s’appesantit avec une sorte de délectation. Hazembat fut d’abord impressionné, puis il s’aperçut que Sir John bâillait discrètement. Miss Rowan et Lady Jenny écoutaient sagement, mais sans avoir l’air autrement émues. Seule, Mrs Kerr tremblait de tous ses membres, tête baissée sous la fulgurante invective.  
    Après l’amen final, le Révérend Scougal se retira et Sir John appela Hazembat.  
    — Hazy…, ça ne t’ennuie pas que je t’appelle ainsi ?  
    — Non, Sir John.  
    — Les dimanches sont toujours un peu longs à Bass Rock. Verrais-tu un inconvénient à venir l’après-midi au salon pour nous raconter tes voyages et tes aventures ? Tu le ferais en français, que Miss Rowan et moi-même comprenons, et ce serait un excellent exercice pour Jenny.  
    — Je peux essayer, Sir John, mais j’ai peur que tout ne convienne pas aux oreilles des demoiselles.  
    — Bah ! il y en a bien d’autres dans les romans qu’elles lisent !  
    Hazembat aurait préféré passer l’après-midi à chercher des poutres dans les ruines, mais Mrs Kerr lui avait fermement expliqué qu’il n’était pas question de travailler le jour du Sabbat. Elle même ne servait que de la viande froide.  
    L’après-midi, donc, il se rendit dans le petit salon où Sir John passait la plupart de ses journées. Lady Jenny était là, assise sur un tabouret à côté de Miss Rowan. Le Révérend Scougal se tenait dans un coin de la salle sur une chaise raide, haute et noire comme lui. Sir John alluma un cigare et se tourna vers Hazembat.  
    — Assieds-toi, mon garçon. Nous t’écoutons.  
    — Oui, Sir John… C’est que je ne sais pas par quoi commencer.  
    — Commence par le commencement. Tu m’as dit que tu étais né sur les bords de la Garonne, près de Bordeaux.  
    — A Langon, oui, Sir John.  
    — Eh bien, parle-nous de Langon.  
    Et Hazembat se mit à raconter son enfance au bord du fleuve, les gros couraus de transport qui faisaient le trafic entre Bordeaux et Toulouse, la Maison du Port où il habitait avec ses parents, les jeux sur les quais envasés, sur les graviers, dans les jardins de la ville haute. Sans cesse, le souvenir de Jantet et de Pouriquète revenait à son esprit et sur ses lèvres. Il l’écartait pour parler des gelées, des inondations, de la vendange et de la tuère du cochon.  
    Sir John s’endormit. Lady Jenny, les yeux intensément fixés sur Hazembat, faisait de son mieux pour suivre, mais ses progrès en français devaient être encore insuffisants, car on sentait qu’elle perdait parfois le fil. Miss Rowan lui chuchotait alors une explication à voix basse et, de nouveau, elle posait sur Hazembat le regard attentif de ses yeux bleus.  
    Ils en étaient encore à l’enfance quand la cloche du dîner retentit. Sir John sursauta, ouvrit les yeux.  
    — Très bien, Hazy, dit-il. J’ai peur de m’être assoupi.  
    Tu n’en es pas arrivé à la Révolution, j’espère ? C’est quelque chose que je ne voudrais pas manquer.  
    — Pas encore, Sir John.  
    — Tu as bien suivi, Jenny ?  
    — Pas tout, oncle John, mais Hazy raconte si merveilleusement que je ne me lasserais pas de l’écouter.  
    Dès le lendemain, Hazembat se mit en quête des poutres dont il avait besoin. Il en fallait une trentaine de longueurs diverses pour les tins, autant pour le berceau sur lequel reposerait la coque, plus une douzaine aussi longues que possible pour les couettes sur lesquelles il glisserait lors de la mise à l’eau. Il lui fallut huit jours pour les découvrir, les dégager et les transporter sur la plage avec l’aide de Duncan et des frères Murdoch. Il mit ces derniers à scier le bois selon les longueurs requises et se mit à construire un palan destiné à haler la coque pour la redresser.  
    Plusieurs fois, il regretta l’absence de Lanusquet dont l’ingéniosité mécanique l’aurait bien aidé à

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