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Le prix de l'hérésie

Le prix de l'hérésie

Titel: Le prix de l'hérésie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: S.J. Parris
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laisser la liberté d’errer par monts et par vaux toute
la journée si ça lui chante, comme elle y était habituée avec son frère. Mais
c’était différent. Elle apprendra les manières qui conviennent à une dame, de
gré ou de force. »
    Son visage se ferma un moment, puis il regarda alentour d’un
air distrait. Peut-être s’attendait-il que les événements du jour disparaissent
d’eux-mêmes.
    « Il serait étonnant qu’elle ait choisi une journée
pareille pour se promener », fis-je remarquer en essayant de contenir mon
inquiétude.
    La veille, Sophia m’avait dit qu’elle se croyait en danger,
et Thomas Allen venait de sous-entendre la même chose. Sa disparition ne
pouvait pas être fortuite. J’espérais ardemment que le recteur avait raison,
mais je sentais qu’il cherchait avant tout à se rassurer, étant incapable de
faire face à d’autres soucis après la découverte du meurtre de Coverdale, avec
toutes les conséquences qui allaient s’abattre sur le collège.
    « Ne nous alarmons pas, elle sera de retour pour le
dîner, éluda le recteur. Pour l’instant, maître Slythurst va porter ma lettre
au coroner et je dois préparer ce que je vais dire à la communauté au
réfectoire. Ce sera bientôt l’heure. »
    Il soupira. J’avais l’impression qu’il avait vieilli de dix
ans. « Je serai dans mon cabinet d’étude, docteur Bruno. Nous parlerons
plus tard. Je vous demande d’être présent au réfectoire à midi, quand
j’annoncerai cette tragédie. Il serait plus prudent que vous preniez
connaissance de ma version des faits, afin de ne pas faire de révélations
malencontreuses. J’aimerais limiter les rumeurs. »
    Je lui répondis que je n’y manquerais pas.
    « Par ailleurs, recteur, il serait également prudent de
ne pas divulguer le fait que vous m’avez demandé d’enquêter sur cette affaire,
dis-je à voix basse. Certains seront peut-être enclins à dissimuler des informations
s’ils croient que j’agis sous vos ordres.
    — Je comprends. Faites comme bon vous semble, docteur
Bruno, je ne parlerai à personne de votre rôle. Mais découvrez qui a commis cet
acte… ces actes, rectifia-t-il, et vous pourrez demander la récompense de votre
choix, dans la mesure des moyens du collège. Et à condition que je sois encore
en place pour vous l’accorder », ajouta-t-il, la mine sombre, avant de
tourner les talons et de reprendre le chemin de ses appartements.

 
CHAPITRE 13
    La cloche continua de sonner l’appel pour le déjeuner
longtemps après que professeurs et élèves furent entrés dans la grande salle,
scandant le temps par-dessus les murmures nerveux des conversations qui
dénotaient une atmosphère aussi tendue qu’un ciel bouché avant l’orage. Dehors,
la pluie frappait les carreaux avec une telle force que nous devions hausser la
voix pour nous faire entendre de nos voisins.
    En apprenant qu’une place m’avait été réservée à la table
des senior Fellows, je fus embarrassé. Assis entre Godwyn et Slythurst, qui ne
faisait pas le moindre effort pour masquer le dégoût que lui inspirait ma
présence parmi ses collègues, je ne pouvais m’empêcher de penser que le siège
que j’occupais avait dû appartenir auparavant à l’un des deux morts.
    La table, installée sur une petite estrade, permettait de
jouir d’une vue d’ensemble du réfectoire. C’était une belle salle aux murs
blanchis à la chaux et ornée de tapisseries dans le style français du siècle
précédent, des œuvres visiblement coûteuses dont les couleurs avaient perdu de
leur éclat au fil du temps. L’élément central de la pièce était un immense âtre
ouvert au-dessus duquel descendait du plafond un conduit octogonal encadré de
poutres noircies par la suie, par où s’évacuait la fumée. Autour de l’âtre était
disposé un banc de bois assez large pour que plusieurs personnes s’y assoient à
l’aise et profitent de la chaleur. De chaque côté, sous les fenêtres, les
élèves se tenaient serrés autour d’une grande table en jetant de fréquents
coups d’œil à l’estrade et en commentant à voix basse l’air lugubre du recteur
et la deuxième place vide à la table haute.
    Un jeune homme squelettique aux cheveux roux en bataille,
vêtu d’une robe beaucoup trop grande pour lui, monta au pupitre dressé près de
la grande table et se prépara à dire le bénédicité. Je le reconnaissais,
c’était le garçon que j’avais vu la veille

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