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Le prix de l'hérésie

Le prix de l'hérésie

Titel: Le prix de l'hérésie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: S.J. Parris
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ranger la chapelle après les
matines. Le carillon solennel de la cloche cessa au moment même où, d’une voix
remarquablement sonore eu égard à sa carrure, il prenait la parole.
    «  Benignissime Pater, qui providentia tua
regis. »
    Le recteur inclina la tête et joignit pieusement les mains,
bientôt imité par les autres professeurs. Comme je ne fermais pas les yeux, je
profitai de ce moment pour observer les plus jeunes élèves, qui continuaient de
loucher vers l’estrade avec un mélange de curiosité et d’appréhension.
    «  Liberalitate pascis et benedictione conservas
omnia quae creaveris  », entonna le garçon.
    Je remarquai avec un certain soulagement que Gabriel Norris
était assis à la tête de l’une des longues tables, au milieu d’un groupe de
jeunes gens habillés de vêtements d’une qualité telle qu’elle les séparait du
reste des élèves. Je ne prenais pas au sérieux la suggestion de Slythurst selon
laquelle les armes du meurtre désignaient Norris comme le criminel ; il me
semblait plutôt que le fait que son arc ait servi à tuer l’innocentait. En tout
cas, j’aurais l’occasion de parler avec lui après le repas. Il se tenait la
tête droite, semblant considérer que s’incliner pour la prière était
inconvenant pour quelqu’un de sa dignité, et je m’aperçus tout à coup qu’il y
avait quelque chose de changé en lui, même si je n’aurais su dire quoi. À
l’extrémité de l’autre table, j’avisai Thomas Allen, tellement penché que son
nez touchait presque la table, les mains serrées contre son front avec une
telle force que les jointures de ses doigts blanchissaient.
    «  Per Christum Dominum nostrum. Amen, conclut le
rouquin.
    —  Amen  », répondirent en chœur tous les
hommes.
    Le recteur se mit debout et un silence pesant s’abattit sur
la salle.
    « Dans la vie de tout chrétien, commença Underhill sans
son emphase habituelle, arrivent des moments où Dieu, dans Sa sagesse divine et
infinie, cherche à éprouver notre pauvre foi en nous infligeant des épreuves et
des peines. La même chose vaut dans la vie de notre petite communauté, c’est
pourquoi Il a décidé de nous faire connaître le malheur, pour mieux ancrer
notre foi dans Sa Providence. » Il inspira profondément et croisa les
mains devant lui dans une attitude de profonde humilité. « J’ai le regret
de vous informer qu’après le terrible accident qui a emporté notre cher
sous-recteur le docteur Mercer, une seconde tragédie a eu lieu. Le docteur
James Coverdale a été mortellement blessé, apparemment en défendant la salle
forte du collège contre des voleurs. »
    Il baissa la tête et quelques murmures se firent entendre
dans le silence. Le recteur attendit quelques instants, puis leva la main
jusqu’à ce que cesse la rumeur.
    « Des paris sur qui aura le courage de devenir le
prochain sous-recteur ? » lança Norris à ses amis, assez fort pour
être entendu à la ronde.
    Des rires nerveux parcoururent les tablées d’étudiants. Le
recteur s’éclaircit la gorge pour les rappeler à l’ordre.
    « Si quelqu’un au cours des derniers jours a vu quelque
chose qui pourrait expliquer cet acte horrible ou mener à l’appréhension des
êtres abominables qui l’ont commis, qu’il me le fasse savoir »,
déclara-t-il.
    Norris se retourna et leva la main.
    « Recteur Underhill ! Pouvons-nous savoir quel est
le montant des sommes volées ? »
    Les jeunes gens bien habillés au milieu desquels il était
assis opinèrent du chef. Je me demandai s’ils mettaient de l’argent sous clé
dans la salle forte. Le recteur hésita un instant.
    « Oh… Eh bien… En fait, il semble que rien n’ait été
dérobé, pour autant que je puisse le dire. Après l’altercation avec le docteur
Coverdale, les voleurs ont dû s’affoler et prendre la fuite.
    — C’est bien étrange, observa Norris en pesant ses
mots, ôter la vie à un homme, tout ça pour rien.
    — En effet, en effet, répondit le recteur d’un air
compassé. Un épouvantable gâchis. »
    Le repas se déroula en silence presque tout du long à la
table où je me trouvais, même si nous entendions derrière nous les spéculations
hardies qu’échangeaient les étudiants. À ma droite, maître Godwyn ne relevait
pas la tête de son assiette et ne prononçait pratiquement pas un mot, mais je
remarquai que lorsqu’il prenait son verre pour boire, sa main tremblait à la
manière des infirmes.

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