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Le prix de l'hérésie

Le prix de l'hérésie

Titel: Le prix de l'hérésie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: S.J. Parris
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le dos.
Il sursauta et poussa un bref cri de douleur, assez exagéré selon moi puisque
je ne l’avais touché qu’avec la paume de la main, mais quand il se retourna je
le vis serrer les dents pour se retenir de protester davantage. Je posai la main
sur son bras en signe d’excuse.
    « Pardonnez-moi, je ne voulais pas vous surprendre.
    — Docteur Bruno ! s’exclama-t-il en se forçant à
garder son calme et en brossant sa manche du plat de la main, comme si je
l’avais froissée. Quelle image vous devez avoir de notre université ! Ça
devient un véritable charnier, pas vrai ? Au moins, cette fois, vous et
moi ne pouvons nous reprocher de ne pas lui avoir sauvé la vie, hein ! Ils
m’ont pris mon arc de toute façon, je n’aurais pas pu rejouer au héros. Et quel temps  ! »
    Il avait ajouté cette dernière remarque sur le même ton,
comme si la pluie et le meurtre de Coverdale étaient tous deux de parfaits
exemples des contrariétés qui étaient le lot de chaque jour. C’est alors que je
réalisai en quoi il avait changé : il avait une barbe. Cela ne faisait que
deux ou trois jours et son visage était hérissé de poils courts et hirsutes.
Chanceux comme il l’était, il ne tarderait pas à arborer une toison noire et
fournie.
    « Vous laissez pousser votre barbe, maître
Norris ?
    — Ma foi, ce n’est pas volontairement, dit-il d’un air
agacé en passant la main sur son menton. Je n’arrive pas à trouver mon rasoir
depuis deux jours et je refuse de laisser le barbier du collège s’en prendre à
moi. Il a laissé un membre sur un champ de bataille, là où il a appris son
métier, à mon avis. Je me suis confié à ses soins une fois et j’ai failli
revenir sans mon nez. Qu’en dites-vous, docteur Bruno, la barbe
m’irait-elle ? Vous la portez bien, mais vous êtes brun… »
    Je décidai de couper court à son bavardage.
    « Quel dommage que vous ayez perdu votre rasoir, maître
Norris, surtout que Thomas venait de vous l’affuter ! »
    Je le sentis aussitôt se crisper. Laissant de côté ses
manières policées, il me répondit d’une voix tranchante :
    «  Quoi ? Est-ce un crime maintenant ?
Et en quoi cela vous regarde-t-il ? »
    Il fit un pas vers moi, menaçant.
    « Tout doux, maître Norris. Je ne fais que mener une
enquête pour le compte du recteur sur les armes qui existent au collège.
    — Un rasoir n’est pas une arme », riposta-t-il.
    Il me dévisagea un long moment puis une lueur de
compréhension éclaira son visage. Je le vis associer tous les éléments et
arriver à la conclusion qui s’imposait.
    « Êtes-vous en train de me dire que Coverdale a été tué
avec une arme de cette sorte ? » Il comprit qu’il ne servirait à rien
d’insister. « Je vois. Et vous avez interrogé Thomas à propos de mon
rasoir, dit-il en plissant les yeux. Eh bien, je dois parler à Thomas. Vous me
trouverez dans ma chambre, Bruno, je n’ai pas de temps à perdre pour
l’instant. »
    Il me salua brusquement et rentra la tête dans les épaules
avant de s’engager sous la pluie pour traverser la cour. Je m’apprêtais à le
suivre quand on me tira par la manche. Me retournant avec irritation, je vis
Lawrence Weston qui me regardait avec des yeux brillants d’excitation. Derrière
lui se tenait le jeune rouquin qui nous avait fait la lecture pendant le
déjeuner.
    « Je vous avais dit que je le trouverais, docteur
Bruno, lança Weston d’une voix triomphante. C’était Ned. »
    D’un coup de coude, il poussa le garçon en avant. Je les
scrutai l’un après l’autre sans comprendre ce qu’ils voulaient.
    « De quoi parlez-vous ?
    — Ned, répéta Weston en s’impatientant. C’est lui qui a
délivré le message à Coverdale pendant la disputation. Vous m’avez promis un
shilling », ajouta-t-il d’une voix accusatrice.
    On eût dit que je tentais de le flouer.
    « C’est vrai », reconnus-je en prenant la bourse à
ma ceinture.
    Ned tordit son visage couvert de taches de rousseur en une
moue boudeuse.
    « Pourquoi tu recevrais un shilling, Weston, alors que
tu ne sais rien du tout ? protesta-t-il.
    — Vous aussi, vous aurez un shilling », dis-je
pour le calmer.
    Il aurait mieux valu apprendre la valeur de ces pièces
anglaises avant de les distribuer avec tant de prodigalité, cela allait sans
doute me revenir fort cher.
    « Bien, alors ? Qui vous a demandé d’aller trouver
le docteur Coverdale samedi soir pour qu’il

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