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Le prix de l'hérésie

Le prix de l'hérésie

Titel: Le prix de l'hérésie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: S.J. Parris
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leur taille et placés
le dos en avant, de sorte que les flammes des bougies faisaient scintiller
leurs boucles de cuivre. À côté du comptoir devant lequel Jenkes se frottait
les mains d’un air cupide, j’aperçus plusieurs exemples de reliure et de
format, depuis les ais de bois façonnés et couverts de peau qui empêchaient le
parchemin de cloquer, jusqu’aux nouvelles reliures parisiennes à plats souples
destinées aux ouvrages plus légers, et qui se passaient de boucles grâce à des
liens en cuir. Comme dans la bibliothèque, tous les volumes étaient attachés au
moyen de chaînes en acier fixées à une barre qui courait sous le comptoir. Au
fond du magasin, une autre porte ouvrait sur une pièce plus grande, pas mieux
éclairée que celle-ci, qui semblait être l’atelier. Je crus voir une ombre
bouger dans l’obscurité et supposai que Jenkes avait des apprentis.
    « Et voici le Signor Filippo Nolano, n’est-ce
pas ? » dit-il en m’accueillant avec un sourire félin.
    Il tendit la main et je la lui serrai de mauvais gré. Je
sentais Florio qui m’étudiait avec curiosité.
    « Je me demandais quand j’aurais le bonheur de faire
votre connaissance. Surtout depuis que vous m’avez suivi à la sortie de La
Roue de Catherine.
    —  Je… C’est-à-dire… » bafouillai-je, ne
sachant trop comment répondre à son accusation, surtout avec Florio qui
continuait à me fixer.
    D’un geste, il dissipa la gêne que la situation avait fait
naître.
    « Peu importe. Mais Signor Nolano, je ne peux m’empêcher
de remarquer que notre ami, le Signor Florio, s’étonne de m’entendre vous
appeler de cette façon. Vous connaît-il sous un autre nom ? »
    Théâtral, il joignit le bout de ses doigts et leva un
sourcil. Il parlait sans presque bouger les lèvres, si bien que chaque phrase
ressemblait à une confidence qu’il valait mieux ne pas dire à voix haute. Je ne
me sentais pas à mon avantage : non seulement j’étais dans sa boutique,
trempé jusqu’à la moelle, mais il avait inversé les rôles que j’avais crus assignés
en se renseignant sur mon compte.
    « J’ai voyagé longtemps dans des endroits qu’il aurait
été imprudent de parcourir sous mon vrai nom, expliquai-je en essayant de
conserver ma dignité. C’est devenu une habitude quand je me trouve avec des
inconnus, rien de plus. »
    Jenkes sourit.
    « Un homme serait prêt à toutes les extrémités pour
échapper à l’Inquisition, je n’en doute pas, docteur Bruno. »
    J’acquiesçai prudemment en essayant de ne pas montrer ma
surprise. Florio semblait stupéfait.
    « J’espère que vous ne nous considérerez pas longtemps
comme des inconnus. Cependant, même dans notre glorieux royaume de liberté, il
est des endroits où un homme fait bien de prendre garde aux mots qu’il
prononce. Qu’est-ce qui vous a amené à La Roue de Catherine, d’ailleurs ?
    — J’avais faim, répondis-je d’un air désinvolte. J’ai
vu l’enseigne et je suis entré pour me restaurer. »
    Jenkes rejeta sa tête en arrière et s’esclaffa de bon cœur,
ce qui me donna l’occasion d’admirer ses dents pourries.
    « Vous avez vite appris votre leçon ici, c’est certain.
En revanche, vous n’avez pas été très gentil de dire au jeune Humphrey que même
votre chien n’aurait pas mérité une nourriture pareille. »
    Son rire s’interrompit de façon aussi abrupte qu’il avait
commencé et un silence pesant s’installa pour quelques secondes.
    « Vous parlez italien ? lui demandai-je.
    — Je parle sept langues, docteur Bruno, même si c’est
difficile à croire quand on me voit. Je ne ressemble pas à un érudit, je le
sais. Mais vous n’ignorez pas qu’on ne juge pas un homme sur les apparences.
D’ailleurs, je parie que vous aussi, vous valez plus que vous n’en avez l’air.
Savez-vous ce qu’on dit de moi à Oxford ?
    — Non, je l’ignore », avouai-je franchement.
    Il tirait fierté de sa notoriété, c’était l’évidence, et je
n’avais pas envie de flatter sa vanité. Je fus satisfait de constater qu’il
paraissait déçu.
    « On m’appelle le disciple du Diable, Bruno,
m’apprit-il, le sourire au bord des lèvres. On écrit des chansons populaires à
mon sujet pour effrayer les enfants. On raconte que j’ai tué trois cents hommes
en leur lançant un sort. Qu’est-ce que vous en dites ?
    — J’en dis que la fièvre des prisons se répand
rapidement dans certaines

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