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Le prix de l'hérésie

Le prix de l'hérésie

Titel: Le prix de l'hérésie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: S.J. Parris
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en chemise et en braies, fixant de ses
yeux exorbités le plafond, le visage figé en une expression d’effroi. Il me
fallut quelques secondes avant de comprendre pourquoi son regard était hideux à
ce point : on lui avait coupé les paupières. Respirant par saccades, je me
penchai sur lui. Ce n’était pas la seule mutilation qu’avait subie le garçon.
Ses joues étaient profondément entaillées, et la lame avait pénétré jusque dans
sa bouche boursouflée. D’épais filets de sang avaient coulé sur son menton. Il
n’avait même pas atteint l’âge où l’on commence à se raser.
    « L’autel… » me dit Underhill avec un geste du
menton.
    Je levai la tête et reculai instantanément. Au centre de
l’autel se trouvait un tas de chair sanguinolent.
    « Mon Dieu… » dis-je dans un souffle, car je
savais de quoi il s’agissait.
    J’ouvris délicatement la mâchoire de Ned pour m’assurer que
sa langue avait bien été tranchée. Ce geste provoqua une nouvelle coulée de
sang et je sursautai, même s’il était impossible qu’il fût en vie.
    « C’est arrivé très récemment », déclarai-je en me
tournant vers le recteur.
    Il opina en se passant les mains sur le visage.
    « Ned venait ici tous les jours à quatre heures afin de
préparer la chapelle pour les vêpres. C’était l’une de ses principales tâches.
Tout le monde savait où le trouver. Nous ne fermons pas la chapelle. Ils ont dû
se cacher et l’attendre ici, le pauvre garçon. Mais vous voyez ce qu’ils lui
ont fait, docteur Bruno ?
    — Foxe ? »
    Il acquiesça.
    « C’est Romain. Son martyre est cité dans le livre
premier de Foxe, juste après l’histoire de saint Alban que je racontais hier à
la chapelle. Les tortionnaires de Romain l’ont mutilé pour qu’il arrête de
chanter des cantiques. Ils lui ont entaillé le visage, et il les remerciait de
lui créer d’autres bouches par lesquelles chanter la gloire de Dieu.
    — Ils ont toujours le sens de la repartie, ces saints,
grommelai-je.
    — Alors ils lui ont coupé la langue et ont fini par
l’étrangler. »
    Un son guttural sortit de la gorge d’Underhill, qui mit la
main devant sa bouche. Je desserrai le col de chemise de Ned. Sa peau blanche
portait des traces de contusion, il ne faisait pas de doute qu’on l’avait
étranglé.
    « Ils lui ont coupé la langue pour le faire
taire. »
    Quelques heures plus tôt, Ned m’avait raconté ce qu’il avait
vu le samedi soir. Était-ce pour cela qu’il était mort ? Je me rappelai
notre rencontre, après le déjeuner, quand nous étions sortis de la grande salle
du réfectoire. Qui avait pu surprendre notre conversation ? Lawrence
Weston ? Le passage était plein d’élèves et de professeurs qui
s’abritaient de la pluie. N’importe lequel d’entre eux avait pu me voir donner
un shilling à Ned. Un shilling qu’il n’aurait pas eu le temps de dépenser, me
dis-je. L’espace d’un instant, l’idée terrible que j’avais peut-être précipité
sa mort sans le vouloir me traversa, mais on toussa dans mon dos et je dus
interrompre le cours de mes pensées.
    « Maintenant que le docteur Bruno a été assez bon pour
nous donner son verdict d’expert, dit Slythurst d’une voix dédaigneuse, je
devrais peut-être alerter le constable ? Celui qui a commis ce meurtre n’a
pas pu aller bien loin en aussi peu de temps. Si on donne l’alerte maintenant…
    — Il est sans doute encore au collège, dis-je au
recteur. Et si tel est le cas, il a à peine eu le temps de laver le sang sur
ses mains. Il faut rassembler tout le monde dans le réfectoire. Quelqu’un a
forcément vu quelque chose. »
    Le recteur hocha la tête et se tourna vers Slythurst.
    « Walter, descendez et faites venir tout le monde,
comme le suggère le docteur Bruno, lui ordonna-t-il. Assurez-vous qu’il ne
manque personne. Frappez à toutes les portes, tirez-les de leur chambre s’il le
faut. »
    Slythurst me foudroya du regard mais il obtempéra et quitta la
chapelle à grands pas.
    « Qu’avez-vous fait après avoir découvert le
corps ?
    — Je… J’ai appelé à l’aide. Je n’avais pas les idées
claires. Richard était dans la bibliothèque, il est arrivé en courant. Ensuite,
je suis resté près du corps et il est allé chercher Walter.
    — Vous étiez dans la bibliothèque tout ce temps ?
demandai-je à Godwyn, qui était resté près de la porte, en proie à l’agitation.
    — Eh bien, oui,

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