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Le prix de l'hérésie

Le prix de l'hérésie

Titel: Le prix de l'hérésie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: S.J. Parris
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John Florio de l’après-midi. »
    Le recteur se remit lentement debout.
    « Partez devant, Walter. Vous aussi, Richard. Je vous
rejoins dans un instant. Quand j’aurai parlé aux hommes, j’imposerai un
couvre-feu. Tout le monde devra rester dans sa chambre ce soir, jusqu’à ce que
nous ayons pu fouiller le collège.
    — Y compris les invités, je présume ? s’enquit
Slythurst, ravi de cette disposition.
    — Tout le monde, répéta fermement le recteur.
Maintenant, j’aimerais parler avec le docteur Bruno seul à seul. »
    Slythurst suivit Godwyn de mauvais gré. Dès qu’ils furent
partis, Underhill se tourna vers moi avec lenteur. Le moindre geste semblait un
effort insoutenable pour cet homme au fond du gouffre.
    « Ma fille n’est pas encore revenue, Bruno. »
    Il avait prononcé ces mots avec un tel fatalisme que je fus
à un cheveu de m’abandonner à la résignation, mais il était hors de question de
se laisser aller.
    « Elle s’est peut-être rendue chez un ami. N’y a-t-il
personne vers qui elle aurait pu se tourner ? »
    Il se frotta le visage du plat de la main, accablé.
    « Sophia n’a pas d’amis dans le sens habituel du terme.
Elle refuse de côtoyer les jeunes femmes de son âge. Si vous m’aviez posé la
même question il y a quelques jours, je vous aurais répondu que je n’avais aucun
nom à vous donner. Mais aujourd’hui… »
    Il ne pouvait plus continuer.
    « Aujourd’hui, quoi ? Avez-vous découvert quelque
chose ?
    — J’ai été aveugle, Bruno. Je n’ai pas été là pour mes
deux enfants, comme je ne suis pas à la hauteur pour le collège. »
    Même si je pensais que c’était sans doute assez vrai, voir
cet homme dans un tel désarroi m’émut et je m’approchai de lui pour le
réconforter.
    « Vous ne pouvez pas vous reprocher ces morts. Et nous
retrouverons Sophia saine et sauve, vous verrez, dussé-je passer la nuit à
cheval. »
    Je n’avais pas voulu parler avec tant de passion. Underhill
daigna tout juste m’accorder un regard curieux avant de continuer à se
morfondre.
    « C’est gentil à vous, dit-il en me tapotant la main
pour me remercier de mon geste. Mais vous avez tort. Comme elle ne revenait pas
cet après-midi, j’ai fouillé sa chambre. Voici ce que j’ai trouvé, cousu dans
son matelas. »
    Il plongea la main dans son pourpoint et en tira un petit
ouvrage à la reliure usée, qu’il me tendit. En feuilletant quelques pages, je
compris vite qu’il s’agissait d’un livre d’heures semblable à celui que j’avais
vu dans l’atelier de Jenkes, dans le même style, de la même époque, quoique
moins épais encore et plus simple. Les pages étaient en bon état, les images
des saints et les indulgences n’avaient pas été abîmées. Je me sentais
oppressé. Que Sophia possédât un livre d’obédience catholique qu’elle gardait à
l’abri de ses parents ne pouvait signifier qu’une chose.
    « Regardez la page de garde », me conseilla
Underhill.
    Je revins au début du livre. En dédicace y était écrit à la
main un verset de la Bible : « Car la sagesse est plus précieuse que
les rubis, elle a plus de valeur que tous les objets de prix. » Dessous se
lisait l’inscription suivante, rédigée avec art et ornée de boucles
élaborées : «  Ora pro nobis. Vôtre en le Christ, J. »
    Underhill guettait ma réaction. Il reprenait un peu de
couleur.
    « Ce verset vient des Proverbes, n’est-ce pas ?
    — Ne comprenez-vous pas ? fulmina le recteur.
Comment dit-on sagesse en grec ? Sophia  ! Un livre de prières
papiste, avec une dédicace à son intention. Ils l’ont convertie, juste sous mon
nez, pendant que je m’enterrais dans mon Foxe et que je m’efforçais de
maintenir la paix ici pour Leicester ! »
    Il baissa les yeux, presque honteux.
    « Recteur Underhill, qui l’a convertie ?
demandai-je vivement. Qui est ce J, le savez-vous ? Qui
protégez-vous ?
    — Personne sauf moi-même, répondit-il d’une voix
teintée de regret. Et ma famille. Ou en tout cas, je le croyais. Je n’aurais
jamais pensé qu’on en arriverait là. »
    Jenkes, pensai-je. Lui seul avait pu mettre la main sur un
livre d’heures français aussi beau, et il se trahissait par l’emploi de son
initiale. Écrasant le livre entre mes mains, je relus la dédicace. Le verset
biblique était assez innocent en lui-même, mais il impliquait une lascivité
plus que déplaisante si l’on remplaçait le mot

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