Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le prix de l'hérésie

Le prix de l'hérésie

Titel: Le prix de l'hérésie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: S.J. Parris
Vom Netzwerk:
donnant un coup entre les omoplates pour me pousser dans le
réduit, entrez là-dedans. »
    Sophia eut un instant de faiblesse en me voyant ainsi à sa
merci.
    « Jerome, ne lui faites pas de mal. Il a été bon pour
moi.
    — J’en suis sûr », ironisa le prêtre.
    Je m’assis comme je le pus au bord de l’ouverture, ayant du
mal à garder mon équilibre sans mes mains, puis je jetai un dernier coup d’œil
à Sophia, d’une pâleur mortelle, et pris appui par terre. Alors que je me
faufilais par l’ouverture, Jerome me poussa du pied et j’atterris lourdement
sur mon épaule meurtrie. Prenant une lanterne au mur, Jerome me rejoignit dans
la cachette avec l’agilité d’un chat. Il avait enroulé sur son épaule la corde
et le chiffon.
    À la lueur vacillante de la bougie, je vis que nous nous
trouvions dans une cavité plutôt spacieuse qui semblait avoir été construite
dans l’angle du mur, là où l’aile droite de la maison rejoignait la tour.
C’était assez haut pour pouvoir y tenir debout et il y avait un banc installé
dans une alcôve au fond, ainsi qu’un coffre au-dessous. Avec quelque
difficulté, je me calai le dos contre le mur et me remis debout. Jerome posa la
lanterne à terre et me désigna le banc. J’allai m’asseoir en boitant, heureux
de ce bref répit mais sentant déjà l’anxiété monter à l’idée de rester enfermé
dans un espace aussi confiné. J’avais déjà du mal à respirer et je savais que,
quand il refermerait la trappe, ce serait pire encore. Il m’examina avec ce que
j’espérais être de la pitié et fit tourner la corde dans ses mains en
réfléchissant à la manière dont il allait s’y prendre.
    « Vous n’aimez pas cet endroit, remarqua-t-il en me
voyant essayer de garder mon calme. Moi non plus, je n’aime pas être enfermé,
mais j’ai dû apprendre à m’y faire. J’ai déjà passé quatre heures là-dedans,
lors d’une perquisition. »
    Un frisson le parcourut à ce souvenir.
    « J’imagine qu’on s’y résout quand on risque de finir
éventré », dis-je.
    Jerome accueillit ce commentaire avec un sourire las, puis
il s’accroupit devant moi.
    « Qu’avez-vous fait des lettres, Bruno ? me
demanda-t-il d’une voix enjôleuse, comme si désormais la partie était jouée et
qu’il ne me servait plus à rien de louvoyer. Il faut que je sache. À qui en
avez-vous parlé ?
    — Je vous l’ai dit, les lettres sont dans ma chambre.
Quant à vous, je n’ai deviné votre identité que cette nuit et je n’ai vu
personne entre-temps.
    — Et je répète que vous mentez, répliqua-t-il en se
levant. Mais ça n’a pas d’importance. Jenkes vous fera avouer la vérité. Il
maîtrise cet art macabre presque aussi bien que les hommes de la reine.
Savez-vous que, dans sa jeunesse, c’était un mercenaire ? Il connaît bien
la souffrance, elle lui est familière. Il sait l’endurer, mais aussi
l’infliger. »
    Il m’adressa un regard appuyé avant de me tourner le dos.
    « Il fallait que des gens meurent pour protéger ce
secret, Bruno. Si vous avez lancé des gens sur ma piste, mes amis et moi savons
au moins d’où vient le danger.
    — Trois hommes ont été assassinés sous mon nez à
Oxford. Je n’ai jamais cherché qu’à découvrir ce qui s’était passé. Je ne suis
pas venu traquer des prêtres.
    — Non ? »
    Il m’observa un long moment. À cause de la lumière qui
creusait ses traits, son visage ressemblait à un masque sculpté dont la flamme
aurait sans cesse modifié les contours.
    « L’Église catholique menace votre vie depuis
longtemps. Votre haine ne vous incite-t-elle pas à prendre votre
revanche ? N’avez-vous pas vendu vos services à la cause protestante afin
de travailler contre l’Église qui vous a rejeté ?
    — Non, répondis-je sans ciller. Je ne hais personne. Je
veux seulement qu’on me laisse percer en paix et à ma façon les mystères de
l’univers.
    — Dieu nous a déjà exposé les mystères de l’univers, ou
du moins ce qu’il nous permet d’en comprendre. Vous croyez pouvoir faire
mieux ?
    — Si je crois pouvoir mieux faire que ces dogmes qui
conduisent les hommes à se brûler et à se trucider à travers tout l’Occident
depuis cinquante ans ? Oui, je le crois.
    — Alors, à quoi croyez-vous ? »
    Je gardai le silence un instant.
    « Je crois qu’à la fin même les démons seront
pardonnés.
    — Ah. La tolérance… »
    On aurait dit qu’il venait

Weitere Kostenlose Bücher