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Le prix de l'hérésie

Le prix de l'hérésie

Titel: Le prix de l'hérésie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: S.J. Parris
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elle. Épargnez au moins une
vie innocente. »
    Jerome soupira et sembla frémir de tout son être.
    « Vous ne comprenez pas, n’est-ce pas ? Elle n’a
plus de chez-soi. Il n’y a plus rien qui l’attende à Oxford. Sa famille la
rejetterait pour s’être convertie à l’ancienne foi, et les catholiques la
rejetteraient à cause de se dépravation.
    — Si elle est catholique et dépravée, c’est à cause de vous  !
m’écriai-je en me levant, même si je ne pouvais rien faire avec les mains
attachées. Est-il juste de disposer d’elle afin de garantir votre liberté de
mouvement ? Ses péchés sont les vôtres, mon père.
    —  Croyez-vous que je l’ignore ? »
    Il me prit subitement par les poignets et approcha son
visage du mien, et je vis pour la première fois son tourment sous son calme de
façade.
    « Vous ne semblez guère en éprouver de remords, en tout
cas.
    — Du remords ? »
    Il me fixa un instant avant de me lâcher et d’éclater d’un
rire désespéré.
    « Oh, du remords, je peux vous en montrer,
Bruno ! »
    Il entreprit alors de délacer son pourpoint et je me rassis
sur le banc tandis qu’il ouvrait sa chemise de soie et me révélait un cilice de
poils rêches et noirs. Puis il desserra le col et remonta délicatement le
vêtement de torture sur ses épaules, le visage tordu en une grimace de
souffrance.
    « Voilà mes remords », dit-il en se tournant.
    Je regardai un moment son dos nu, la peau boursouflée et
sanguinolente. Certaines plaies blanches suppuraient, là où les crochets
métalliques du fouet avaient arraché de grands morceaux de chair, d’autres
formaient des cicatrices fraîches par-dessus de plus anciennes. J’avais vu bien
des pénitents lors de mon voyage à travers l’Italie et j’étais toujours aussi
stupéfait que des êtres humains puissent s’infliger de telles cruautés au nom de
l’expiation de leurs péchés. Je détachai mes yeux de ce spectacle macabre et il
tourna sur lui-même pour me faire face. Quelque chose s’était brisé en lui.
Dans ses yeux brillaient des larmes de rage.
    « Cela vous suffit-il en matière de remords ?
Croyez-vous que je ne l’aime pas ? Savez-vous à quel point mon âme est
déchirée entre les vœux que j’ai prononcés et ce que j’éprouve pour elle ?
    — Si vous l’aimez, ne la sacrifiez pas, dis-je
doucement.
    — Pour l’amour de Dieu, Bruno, je ne vais pas la
sacrifier ! se récria-t-il en se passant les mains dans les cheveux. Je
l’envoie à l’abri en France.
    — Je crois que vous mentez. »
    Il inspira longuement, maîtrisa ses émotions et reprit
contenance.
    « Dans ce cas, nous sommes à égalité. »
    Il remit le cilice en place en se crispant au moment où il
l’appliquait contre sa peau ravagée, puis il boutonna sa chemise et enfila son
pourpoint, le tout sans me quitter des yeux. Après quoi, il se pencha pour
ramasser la corde par terre et se mit en devoir de m’attacher les chevilles,
fermement mais sans me faire mal.
    « Adieu, Bruno, dit-il en se levant et en posant sur
moi un regard triste avant d’effacer d’un geste brusque les traces de larmes
sur ses joues. Je suis sincèrement navré que cela se termine de cette façon. Je
prie Dieu pour qu’il se penche sur votre âme dans vos derniers instants. »
    Il prit le torchon et s’apprêta à me le fourrer dans la
bouche.
    « La trappe ne s’ouvre pas de l’intérieur, me
prévint-il. Et les murs sont trop épais pour qu’on vous entende crier, mais au
cas où.
    — Attendez, Jerome… dis-je en levant les mains.
    — Oui ? »
    Il leva des yeux pleins d’espoir, croyant sans doute que
j’avais changé d’avis et que je désirais me repentir.
    « Laissez-moi la lumière », lui dis-je d’une voix
tremblante.
    Il hocha la tête, puis me bâillonna avant de partir. Je
regardai ses belles bottes de cuir disparaître par le carré de lumière et la
trappe se rabattre avec un léger déclic. Et je restai seul, emmuré, empêché de
bouger ou de parler ; j’avais l’impression d’être enterré vivant.
    La dernière chose que je me rappelle avoir pensé, pendant
que je luttais contre le sentiment oppressant qui m’écrasait la poitrine,
c’était que je serais soulagé de voir Jenkes. Ma vision se brouilla à mesure
que la bougie vacillait dans la lanterne. Je perdis toute sensation dans mes
bras et dans mes jambes, j’avais l’impression de couler, et finalement je me
laissai

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