Le prix de l'hérésie
vous ?
— Sir Philip Sidney ? répondit-il d’un air amusé.
Ho ho ! Et Sa Majesté elle-même interviendra sans doute d’un moment à
l’autre en ta faveur ? Non, mon ami, ce n’est pas Sir Philip Sidney qui
m’a envoyé ici, mais maître Walter Slythurst de Lincoln College, qui avait des
raisons de penser qu’un assassin papiste avait quitté Oxford pour se rendre à
Great Hazeley, probablement afin d’y chercher refuge.
— Oh, Slythurst… me lamentai-je en prenant mon visage
dans mes deux mains toujours attachées. Il n’a rien compris, croyez-moi. Je ne
suis pas un assassin, ni un papiste. Je vis chez l’ambassadeur français à
Londres, pour l’amour de Dieu ! J’essayais de sauver Sophia et c’est le
véritable prêtre qui m’a jeté au fond de cette cachette.
— Il est attaché, sir, fit remarquer avec
nervosité le jeune soldat qui m’avait tiré du sommeil.
— Pardon ? s’irrita Newell.
— Il était pieds et poings liés et bâillonné, expliqua
le jeune homme d’une voix tremblante. C’est juste… Pourquoi se serait-il fait
ça tout seul ?
— Vous n’imaginez pas toutes les ruses qu’ils sont
capables de déployer, le rabroua Newell avant de se retourner vers moi. Tu
plaideras ton cas devant les Assises, le moment venu. Un petit séjour au cachot
t’éclaircira les idées. Avant cela, dis-moi ce que tu sais à propos de Sophia
Underhill. Son père a informé la garde hier qu’on l’a enlevée. C’est encore un
tour des papistes ?
— Ils sont en route pour la côte, mais ils devaient
d’abord passer à Abingdon. Chaque seconde que vous perdez est un cadeau que
vous leur faites. Envoyez vos hommes après eux tout de suite.
— Ne me dis pas comment commander mes hommes,
misérable ! aboya-t-il avant de se tourner vers le soldat. Arrêtez cet
homme pour le meurtre de deux professeurs respectés et d’un élève de Lincoln
College. Il est également suspecté du meurtre du jeune homme jeté du haut de la
tour. »
Comme j’allais protester, il poursuivit.
« Et on le soupçonne d’être entré dans le pays avec
l’intention de convertir les sujets de Sa Majesté à l’hérésie de Rome, ainsi
que de s’être ingéré dans les affaires du royaume.
— Non ! Je vous en supplie ! m’écriai-je
tandis que le jeune soldat me libérait les chevilles et me tirait par le coude
pour me mettre debout. Envoyez quelqu’un chercher Sir Philip Sidney à Christ
Church College, il vous dira que je suis innocent.
— Ah ! J’allais oublier. Il est aussi coupable
d’avoir volé un cheval, ajouta Newell sans dissimuler son plaisir. Nous avons
trouvé une belle monture équipée d’un harnais portant les couleurs royales,
attachée dans les bois près du sentier.
— Le cheval est à moi. Les écuries royales de Windsor
me l’ont confié.
— Ah oui ? répondit-il avec cruauté, un tic
agitant ses moustaches. Je me demande ce qui a retenu la reine de te confier
son plus bel attelage. Trêve de balivernes. »
Il partit à grands pas à travers l’immense pièce. Arrivé au
pied de l’escalier montant aux remparts, il se retourna.
« Que Philip Sidney vienne te sortir des geôles du
Château s’il est vraiment ton ami ! » me lança-t-il avec l’air de
s’en désintéresser. Puis il se tourna vers son soldat. « Emmenez-le dans
la cour, nous le ramènerons avec nous à Oxford. Que vos hommes s’occupent des
domestiques et voient ceux qui sont prêts à parler. »
Le soldat acquiesça et me poussa vers l’escalier en
colimaçon. Tout en m’efforçant de ne pas perdre l’équilibre sur les marches
étroites, que je descendais cette fois vers la cour, j’essayai de regarder ma
situation sous son meilleur jour. Elle n’avait rien de brillant, mais je
pourrais faire appel à Sidney ou au recteur Underhill pour qu’ils répondent de
moi. Puis je me souvins du paquet de lettres et de l’avertissement que m’avait
donné Bernard le jour de mon arrivée : aucun homme n’est ce qu’il semble
être. J’avais fait confiance à Cobbett, mais s’il était lui aussi un
sympathisant catholique ? S’il avait détruit la correspondance délictueuse
entre Edmund Allen et Jerome Gilbert, quelle preuve y aurait-il de la
culpabilité du prêtre ? Ce serait ma parole contre la sienne. Ma nationalité
et mon ancienne religion suffiraient à me condamner auprès du plus grand
nombre, comme on me l’avait souvent fait remarquer depuis mon
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