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Le prix de l'hérésie

Le prix de l'hérésie

Titel: Le prix de l'hérésie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: S.J. Parris
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Tobie, dit-il à un jeune homme aux cheveux bruns assis face
à lui, tu ferais mieux d’implorer tout de suite saint Bernard de Sienne, le
patron des joueurs. Je me sens en veine, aujourd’hui.
    — Prier les saints, Gabriel ? répondit le nommé
Tobie en ramassant ses cartes. Attention à ce que personne ne t’entende
encourager une chose pareille, ou on croira que tu es du côté de Rome. »
    Norris ricana.
    « Je plaisante, idiot. On ne devrait jamais débattre de
théologie en jouant aux cartes. Mais n’ai-je pas raison, docteur Bruno ?
Votre compatriote n’est-il pas connu pour intervenir en faveur des
joueurs ? Pour ceux qui croient à ce genre de billevesées, bien entendu.
    — En réalité, en Italie, il est surtout célèbre pour
ses tirades contre les sodomites », dis-je en me levant de table.
    Norris leva les yeux de ses cartes et me regarda avec
intérêt.
    « Tiens donc ?
    — Il déplorait qu’au siècle dernier l’Italie soit
connue comme la plus grande nation de sodomites.
    — L’êtes-vous ? demanda-t-il, un sourire jouant au
coin de ses lèvres.
    — Mon ami, nous sommes la plus grande nation à tout
point de vue, rétorquai-je en lui retournant son petit sourire.
    — Bruno a passé l’essentiel de sa vie dans un
monastère, dit Sidney en se penchant pour donner un coup de coude à Norris. Si
quelqu’un est au courant, c’est bien lui. »
    Ils partirent tous d’un éclat de rire bruyant tandis que
Lizzy arrivait avec deux pichets de bière qu’elle posa sur la table. Je décidai
qu’il était temps de partir.
    « Bien, je vais vous laisser vous dévaliser les uns les
autres sous les auspices de saint Bernard, dis-je en essayant d’adopter un air
désinvolte. Des affaires pressantes m’attendent.
    — Bruno doit réorganiser le cosmos avant cinq heures,
railla Sidney sans quitter ses cartes des yeux.
    — Nous avons tous hâte d’en apprendre davantage »,
dit Norris en examinant son jeu.
    Il découvrit au même instant un as de carreau et ratissa
tout l’argent de la table avec un cri triomphant pendant que les autres se
répandaient en jurons. Je partis dans l’indifférence générale.

 
CHAPITRE 6
    L’édifice de Divinity School était le plus époustouflant
qu’il m’avait été donné de voir jusqu’ici à Oxford. Derrière ses immenses
portes en bois, de somptueuses voûtes de pierre s’élevaient au-dessus d’une
salle, meublée sans fioritures, qui mesurait peut-être trente mètres de long.
La lumière se déversait par dix grandes fenêtres cintrées qui montaient du sol
au plafond, donnant l’impression que les murs sud et nord étaient entièrement
vitrés. Ces fenêtres étaient surmontées d’ornements élégants et leurs cadres
décorés des armoiries des bienfaiteurs et dignitaires de l’université, selon la
coutume. Là-haut, les arêtes formaient des motifs symétriques qui sinuaient à
travers le plafond avant de se joindre aux clés de voûte. Moulures et statues
attiraient sans cesse l’œil plus haut, vers le cœur de ces motifs. Une odeur de
cire chaude se dégageait des chandelles, des lanternes et des torches allumées
le long des murs. Malgré les ouvertures, cette lumière additionnelle était la
bienvenue car le ciel était toujours couvert et le jour s’assombrissait déjà.
Du côté ouest de la salle, on avait érigé une estrade. Sur des fauteuils à haut
dossier rembourrés de coussins de velours avaient pris place les personnalités
les plus éminentes : le palatin au centre, avec Sidney à sa gauche et le
vice-chancelier de l’université en robe d’hermine à sa droite. Les autres
dignitaires, vêtus de robes rouge et noir, étaient disposés autour d’eux selon
leur rang. Des gradins étaient occupés par les professeurs en robe d’apparat
tandis que, devant la deuxième croisée ouest, deux pupitres en bois étaient
placés l’un en face de l’autre. Le recteur Underhill et moi-même nous
apprêtions à y monter pour la confrontation.
    Devant, des rangées de bancs avaient été installées pour les
élèves, qui en étaient encore à entrer dans la salle au milieu des
plaisanteries et du murmure animé des conversations. En gravissant les marches
du lutrin qui me servirait de chaire pour l’heure suivante, je sentis mon
estomac se nouer. Je balayai alors l’assistance du regard et reconnus ce
frisson familier qui m’habitait à chaque apparition publique. C’était ma
première en Angleterre,

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