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Le prix de l'hérésie

Le prix de l'hérésie

Titel: Le prix de l'hérésie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: S.J. Parris
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devant.
    — On dit que vous étiez là ce matin, messire, quand
Gabriel Norris a tué le chien. Vous avez assisté à toute la scène ? »
    Weston avait soudain un air excité de petit garçon et il
posait sur moi des yeux de merlan frit. Nous prîmes par Brasenose Lane, une
venelle longeant le collège au nord. Le sol en était boueux et une odeur
épouvantable semblait indiquer que les habitants de la ville en avaient fait un
lieu de prédilection pour soulager leur vessie. Je pris une profonde
inspiration avant de le suivre.
    « J’étais là, oui. Mais nous sommes tous arrivés trop
tard, ce que je ne me pardonnerai jamais. Le jeune Norris est bon archer. Si
nous étions intervenus un moment plus tôt, ce pauvre docteur Mercer aurait eu
une chance. »
    Weston se passa la langue sur les lèvres.
    « Oui, euh… il faut dire que Gabriel Norris et ses
semblables n’ont pas d’autre occupation que la chasse. Qu’il ait son diplôme ou
non ne change pas grand-chose pour lui. Oxford n’est qu’un divertissement de
plus où parader dans ses habits de Londres. Pas comme nous autres, les pauvres
obligés d’aller à confesse.
    — J’en déduis que vous ne l’aimez pas… » lui
dis-je en souriant.
    Weston préféra rester sur la réserve.
    « Oh, pas du tout, c’est plutôt le principe. Dans une
communauté telle que la nôtre, on devrait tous se sentir égaux. La présence de
gens fortunés renforce la notion de rang. Et cela m’agace de voir que la
plupart d’entre eux ne se soucient pas le moins du monde de leurs études.
Gabriel Norris n’est pas le pire, d’ailleurs, il est plutôt généreux de sa
fortune, et pas aussi stupide que d’autres. Savez-vous qu’il a son propre
cheval, messire ? »
    Weston était jaloux comme seuls savent l’être les jeunes
hommes.
    « Un hongre aubère, la plus belle bête qui soit. Il est
dans une écurie en dehors de la ville, car les élèves ne sont pas censés
disposer de leurs propres montures. Mais il fait ce qu’il veut. Qui oserait le
punir ?
    — Il paraît très sûr de lui, concédai-je. J’imagine que
les femmes ne se refusent pas non plus beaucoup à lui, avec son allure. »
    Weston tourna à demi la tête vers moi pour m’observer, un
léger sourire ourlant les coins de ses lèvres.
    « Vous pouvez l’ imaginer, oui, répondit-il d’une
voix pleine de sous-entendus.
    — Ah, fis-je, devinant où il voulait en venir. Vous
voulez dire que les femmes ne sont pas le principal centre d’intérêt de maître
Norris ?
    — Je ne colporterais pas des rumeurs calomnieuses à son
encontre, messire. Je n’ai pas la moindre idée de ce qu’il fait en privé, c’est
seulement ce qui se raconte.
    — L’envie fait dire beaucoup de choses. Y a-t-il des
raisons à ces ragots ? »
    Il regarda droit devant lui, embarrassé.
    « Eh bien, pour commencer, il ne va pas au bordel,
messire.
    — Il n’en découle pas pour autant qu’il soit
sodomite. »
    Je n’aurais pas été autrement surpris que ce fût vrai, vu
les manières qu’affectait Norris. Je me souvenais du curieux regard qu’il
m’avait lancé quand j’avais mentionné la tirade de saint Bernard contre les
sodomites.
    « Et vous devriez faire attention avec ce genre de
rumeur. La sodomie condamne à la corde dans ce pays, n’est-ce pas ?
    — Oui, messire. Vous avez raison, bien sûr, dit Weston
que ma remarque avait refroidi. Mais nous l’avons tous remarqué. Quand une
belle fille vous fait les yeux doux et que vous n’y répondez pas, c’est que
votre sang n’est pas celui d’un homme. Vous n’êtes pas d’accord,
messire ? »
    Le rouge lui monta aux joues et j’en déduisis qu’il parlait
de quelque chose dont il avait lui-même été témoin. Et comme il n’y avait
qu’une femme dans l’environnement immédiat des élèves, la déduction n’était pas
bien difficile.
    « Vous parlez de la fille du recteur ? »
    Je n’aurais pas dû m’en étonner. Étant la seule jeune femme
du collège, pourquoi n’aurait-elle pas jeté son dévolu sur le plus beau et le
plus riche des élèves ? Pourtant, cette révélation me déçut quelque peu.
J’avais imaginé qu’une fille à l’esprit aussi vif que Sophia n’eût pas laissé
des qualités aussi superficielles l’aveugler.
    « Elle s’est confiée à vous ?
    — Non, pas du tout, messire… Et j’en ai déjà trop
dit. »
    Il tenta de changer de sujet mais je l’arrêtai abruptement,
car

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