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Le prix de l'hérésie

Le prix de l'hérésie

Titel: Le prix de l'hérésie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: S.J. Parris
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je venais de me rendre compte que nous arrivions au bout de Brasenose Lane
et que le mur qui courait sur notre droite était celui du jardin de Lincoln
College. Le gros portail en bois arrimé au mur était en bon état. C’est par là
que le chien avait dû entrer dans le jardin.
    « Un instant », dis-je en m’accroupissant pour
examiner la boue au pied du portail.
    Elle avait indubitablement été foulée, mais la pluie tombée
pendant la matinée avait effacé toute trace d’empreintes et je me maudis de
n’être pas aussitôt venu inspecter les lieux. Me relevant, j’essayai de tourner
la poignée ; elle était fermée à clé. J’étais sur le point de m’en aller
lorsque quelque chose, au milieu des touffes d’herbe devant le portail, attira
mon attention. Je me baissai pour ramasser une fine bande de cuir usée a une
extrémité. Cela ressemblait beaucoup à une sorte de muselière. Je la fourrai
dans ma poche sans savoir à quoi elle pourrait me servir.
    Weston s’agitait. Je l’avais vu me regarder avec curiosité
empocher la bande de cuir.
    « Messire, nous allons être en retard. C’est au bout de
la rue, nous y sommes presque. »
    Nous traversâmes une grande place bordée sur notre droite
par l’église St Mary et aperçûmes sur la gauche, par-dessus le mur du jardin
d’Exeter College, le sommet de Divinity School. Au loin, je distinguais les
remparts massifs de la ville, dont le crénelage se découpait sur le ciel. Après
avoir tourné au coin, je m’arrêtai pour admirer la spectaculaire façade de
Divinity School, tordant le cou pour mieux voir les tourelles pointées vers le
ciel. D’ordinaire, seuls les édifices ecclésiastiques étaient construits avec
une telle splendeur. Malgré ses airs de cathédrale et sa magnificence égale à
celle de la grandiose église de San Domenico Maggiore à Naples, où l’on m’avait
enseigné l’art de la disputation, c’était bel et bien un bâtiment séculier,
consacré à l’acquisition de la connaissance. Penser que mes idées allaient se
répercuter sous ses voûtes magnifiques était presque intimidant, et j’étais sur
le point d’en faire la confidence à mon guide lorsque j’eus soudain l’intuition
qu’on m’observait. Me retournant, je découvris, adossé aux remparts noircis, un
homme grand, les bras croisés, qui me fixait avec ostentation. Il était vêtu
d’un vieux pourpoint de cuir et de chausses miteuses et, malgré son front dégarni,
avait les cheveux longs dans le cou. Son visage était grêlé par les stigmates
de la petite vérole. Il aurait pu avoir mon âge aussi bien que cinquante ans,
mais le plus frappant dans son apparence était qu’il n’avait plus d’oreilles.
Des lambeaux de chair entouraient le trou où elles se trouvaient auparavant, et
j’en conclus qu’il avait été condamné pour un crime bénin. Il continua à poser
sur moi un regard calme, pondéré, dans lequel je ne discernais aucune malice,
plutôt une sorte de curiosité moqueuse. Je me demandais s’il me fixait pour une
raison quelconque ou si c’était un filou cherchant une aubaine dans la foule
rassemblée pour l’occasion. Au cours de mes voyages, j’avais découvert que les
voleurs croient toujours riches les hommes instruits ; mon expérience
m’avait pourtant prouvé que c’était rarement le cas. Quoi qu’il en soit, s’il
s’agissait bien d’un voleur, il ne manquait pas d’audace : encore une
arrestation et il risquait la corde.
    Une autre fois j’aurais soutenu son regard insolent, mais je
n’avais pas de temps à perdre et je me tournai donc vers le grand porche de
Divinity School. Je m’apprêtais à en monter les marches lorsque je vis le
docteur James Coverdale les descendre à la hâte en se frayant un chemin parmi
la presse des jeunes gens en robe noire. Il me remarqua et s’arrêta,
visiblement soulagé. Du coin de l’œil, je vis l’homme sans oreilles avancer
d’un pas. L’apercevant à son tour, Coverdale se figea instantanément et ils
échangèrent un regard. Il était clair qu’ils se connaissaient. Coverdale le
dévisagea un moment, partagé, semblait-il, entre l’irritation et l’inquiétude,
puis il arbora un sourire à mon intention et me prit par le coude pour me
conduire à l’abri des yeux inquisiteurs de l’homme.
    « Merci d’avoir amené notre hôte, Weston, vous pouvez
rejoindre vos amis à l’intérieur », dit-il pour congédier mon jeune guide.
    Weston nous

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