Le prix de l'indépendance
majeur. Oui, je t’entends penser : « Majeur ? » Il est vrai que nous avons croisé un couple d’apprentis bandits sur la route de Boone. Dans la mesure où ils étaient âgés respectivement de neuf et onze ans, et armés en tout et pour tout d’un vieux mousquet équipé d’une platine à rouet qui leur aurait explosé à la figure s’ils avaient été capables de tirer avec, nous ne courions pas un grand danger.
Rollo a bondi de la carriole et en a plaqué un au sol, sur quoi l’autre a lâché son arme et détalé. Ton cousin Ian l’a rattrapé et l’a ramené par la peau du cou.
Il a fallu un certain temps à ton père pour leur soutirer une explication cohérente, jusqu’à ce qu’il nous vienne à l’idée de leur donner un repas chaud. Une fois le ventre plein, ils sont devenus intarissables. Ils nous ont dit s’appeler Herman et Vermine (Je te le jure !). Ils ont perdu leurs parents cet hiver. Leur père est parti chasser et n’est jamais revenu. Leur mère est morte en couches et son bébé l’a suivi un jour plus tard, les deux garçons n’ayant aucun moyen de le nourrir. Ils ne connaissent aucun parent du côté de leur père mais nous ont appris que le nom de jeune fille de leur mère était Kuykendall. Il se trouve que ton père connaît des Kuykendall du côté de Bailey Camp. Ian est donc parti à leur recherche avec nos deux petits garnements pour voir s’ils accepteraient de les prendre chez eux. Dans le cas contraire, il les amènera à New Bern où nous essaierons de les placer en apprentissage quelque part. Ou encore, ils nous accompagneront à Wilmington où nous leur trouverons peut-être une place à bord d’un navire comme garçons de cabine.
Fergus, Marsali et les enfants se portent à merveille, tant physiquement (si l’on fait exception d’une tendance familiale à unehypertrophie des végétations et à la plus grosse verrue que j’aie jamais vue sur le coude de Germain) que financièrement.
Avec La Gazette de Wilmington , L’Oignon est le seul journal à paraître régulièrement dans la colonie et Fergus ne chôme donc pas. Si l’on ajoute à ça l’impression et la vente de livres et de pamphlets, on peut dire que son entreprise est florissante. La famille possède maintenant deux chèvres laitières, de nombreuses poules, un cochon et trois mules (en comptant Clarence que nous leur laissons).
Compte tenu des conditions et incertitudes actuelles ( Brianna comprit qu’elle voulait dire par là qu’elle ignorait qui lirait cette lettre et quand ), je ne vais pas entrer dans le détail de ce qu’imprime Fergus, outre son journal. L’Oignon , lui, est plutôt impartial, publiant des dénonciations virulentes signées par des loyalistes et des moins loyalistes, ainsi que des poèmes satiriques de notre vieil ami « Anonymus » raillant les deux camps du conflit politique. J’ai rarement vu Fergus aussi radieux.
Certains hommes s’épanouissent en temps de guerre et, étrangement, Fergus en fait partie. Ton cousin Ian également, même si, dans son cas, je crois que c’est surtout que cela lui évite de trop réfléchir.
Je me demande comment sa mère va l’accueillir. La connaissant, je pense qu’une fois le premier choc passé, elle se mettra en quête d’une épouse pour son fils. Jenny est une femme très perspicace et tout aussi têtue que ton père. J’espère qu’il s’en souviendra.
En parlant de ton père… il passe beaucoup de temps à vadrouiller avec Fergus, vaquant à ses « occupations » (sans plus de précisions, ce qui signifie probablement qu’il se livre à des activités qui feraient se dresser les cheveux sur ma tête si j’étais au courant). Il se renseigne également auprès des marchands pour trouver un bateau mais je pense que nous aurons plus de chances à Wilmington où nous nous rendrons dès que Ian nous aura rejoints.
En attendant, j’ai installé ma petite enseigne, littéralement. Elle est fixée sur la devanture de l’imprimerie de Fergus et annonce « Ici, on arrache les dents ; on soigne l’urticaire, la pituite et la fièvre ». C’est l’œuvre de Marsali. Elle voulait ajouter la vérole mais Fergus et moi l’en avons dissuadée, lui parce qu’il craignait pour la réputation de son établissement ; moi parce qu’il n’y a rien que je puisse faire actuellement pour soigner ce qu’ils appellent la vérole. Pour ce qui est de la pituite… on peut toujours trouver un remède, même s’ilne
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