Le prix du sang
violemment lâenrôlement obligatoire afin de faire partager à tous le prix du sang.
Au début des conversations, Françoise et Amélie demeurèrent près de leur père, un sourire poli sur les lèvres. à la fin, celui-ci leur suggéra :
â Vous pouvez rentrer avec nos invités. Je vous rejoindrai dès que possible.
Des votes pouvaient se gagner ou se perdre sur le parvis de cette église. Paul devait continuer de rassurer de son mieux ses électeurs inquiets. Les deux filles rejoignirent Marie et Mathieu. La plus jeune prit sans vergogne le bras du garçon et lâentraîna vers la maison. Tout le long du chemin, dans un babillage incessant, elle lui donna toutes les informations imaginables sur les habitants des demeures riveraines. Les secrets de famille demeuraient toutefois bien protégés. Parmi les informations les plus intimes livrées ce jour-là figuraient le nombre de chats et de chiens de chaque maisonnée et les noms auxquels ils ne répondaient habituellement pas.
Trois pas derrière, Françoise marchait aux côtés de Marie.
â Parfois, le dimanche, nous dînons aussi tard quâune heure. Papa parle à tout le monde.
â à titre de député, cela fait partie de son travail.
â Il le faisait bien avant lâélection de 1912, lâannée où il a été élu pour la première fois. Maman se moquait de lui. Vous voyez, Amélie a hérité de cet aspect de sa personnalité.
La voix haut perchée de la fillette leur parvenait sans mal. Elle faisait de grands gestes pour souligner ses paroles. Son compagnon la regardait en souriant et répondait par des monosyllabes.
â Elle ferait certainement une politicienne redoutable.
â ⦠Les femmes ne votent pas.
â Cela devrait changer bientôt. Au moins au fédéral.
Françoise jeta un regard perplexe sur la femme à ses côtés et demanda après un moment :
â Vous croyez que ce sera une bonne chose?
â Dans deux ans, mon grand garçon aura le droit de vote. Dans cinq ans, vous ne lâaurez pas. Croyez-vous vraiment quâil sera plus compétent que vous ou moi pour choisir un député?
â ⦠Il a fait son cours classique.
â Je suppose que tous les hommes responsables de la guerre en Europe ont fait des études du même genre. Je suis allée chez les sÅurs de la congrégation Notre-Dame, dans la Basse-Ville de Québec, pendant quelques années; vous êtes chez les ursulines. Vous et moi nâenverrions pas des jeunes de son âge se faire tuer, nâest-ce pas?
La jeune fille rougit alors que Marie lui adressait son meilleur sourire. à la fin, elle fit signe que non de la tête.
â Pour cette raison, je me réjouis des rumeurs venues dâOttawa sur le droit de suffrage des femmes. Câest chose faite dans les trois provinces des Prairies.
â Papa nây est pas favorable.
â Mais à nous deux, nous pourrons certainement lui faire entendre raison.
Pour la seconde fois, la première ayant été leur conversation dans la salle dâessayage du magasin ALFRED, une certaine complicité passa entre elles. La femme profita de lâoccasion pour offrir son bras. Françoise, un peu intimidée sous son grand chapeau de paille noir, posa finalement sa main sur le pli du coude.
â De toute façon, je suis certaine que Paul ne vous refuse rien de raisonnable.
La jeune fille jeta un regard en biais à son interlocutrice, bien certaine de ne plus détenir lâexclusivité de ce genre dâinfluence sur son père.
* * *
La prédiction se réalisa : Paul Dubuc revint à son domicile largement passé midi. à ses côtés marchait un homme encore jeune, bâti comme un colosse, son visage rond, un peu poupin, souligné dâune petite moustache et dâune paire de lunettes à monture noire. Une grande femme, le visage un peu quelconque, se pendait à son bras.
â Marie, je vous présente Ernest Lapointe, le député du comté au fédéral.
La femme quitta son fauteuil dâosier pour tendre la main.
â Et son épouse.
Lâhomme ajouta, en se retournant vers les nouveaux venus:
â Marie Picard est une amie de la famille. Voici son fils, Mathieu. Et vous connaissez déjà ces charmantes demoiselles, mes filles.
Au
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