Le prix du sang
majorité de ces personnes, défaites en 1917, seront élues.
â Des membres très influents du parti lorgnent vers les conservateursâ¦
â Beaucoup reviendront au bercail la queue entre les jambes. Les autres seront remplacés par des plus jeunes. Je devine que je ne perdrai pas au change.
Thomas tendit la main pour prendre le ballon de cognac, le réchauffa un peu entre ses paumes avant dâavaler une gorgée. à la fin, il admit en riant :
â Votre silver tongue réalise encore des miracles. Je suis presque heureux de commencer une campagne électorale condamnée à la défaite.
â Regardez plus loin. Vous verrez la suite, alors que moiâ¦
Le vieil homme esquissa un geste de la main pour signifier lâincertitude de son futur.
â Ne dites pas des choses pareilles. Gladstone gagnait des élections à un âge bien plus avancé que le vôtre.
â Gardez ce genre de phrases pour les charmantes électrices de Québec-Est. De mon côté, je souhaite seulement vivre assez longtemps pour recoller les morceaux du parti à la fin de la guerre. Si Dieu en décide autrement, Picard, je vous implore dâuser de toute votre influence afin de mettre un habile négociateur à ma place.
Le visiteur profita de lâallusion aux électrices pour abandonner le sujet du décès prévisible et demanda :
â Quelle sera notre position sur le suffrage des femmes?
â Sous un gouvernement libéral, la mesure serait venue plus vite, et dâune façon moins tordue. Borden semble croire que les femmes ayant un proche dans lâarmée sont plus compétentes que les autres au moment de mettre leur bulletin dans une boîte. Encore une fois, celles qui sont privées de ce droit aujourdâhui se souviendront de notre intervention en leur faveur au moment de se prononcer en 1921.
Robert Borden lançait de nombreux ballons politiques afin de mesurer la popularité de ses « innovations ». Selon la rumeur, lors des prochaines élections fédérales, les femmes ayant un époux, un frère, un fils dans les forces armées, ou étant elles-mêmes membres de celles-ci, voteraient. Son pari était de les voir appuyer son parti en guise de remerciement pour la loi de la conscription. Ainsi, de nouvelles recrues remplaceraient les êtres aimés sur la ligne de front.
â Mais vous, quâen pensez-vous? insista Thomas.
â Ma femme, Zoé, a autant de sens politique que les deux tiers des ministres qui ont siégé dans mes cabinets, de 1896 à 1911. Quâen est-il de votre femme?
â Je ne connais pas très bien vos ministres, mais son jugement vaut certainement celui de tous mes employés masculins, tout comme le mien. Elle surpasse assurément mon fils et ses amis nationalistes, à ce sujet. Mais le clergé catholique nâappréciera pasâ¦
â Voilà la beauté de toute lâaffaire. Cela lui donnera une raison de sâéloigner un peu des conservateurs. De notre côté, ce sera un sujet de discorde de plus avec nos seigneurs les évêques. Cela ne nous empêchera pas de balayer la province de Québec. Dâautant plus que nos amis nationalistes ne viendront pas nous nuire, cette fois.
Le mot « ami » sâaccompagna dâun sourire ironique.
â Avec Asselin sâillustrant sur les champs de bataille, Lavergne clamant que Lomer Gouin sauvera la nation canadienne-française, Bourassa ne sachant trop sâil doit nous encenser ou nous détester, nous sommes en sécurité, commenta Thomas.
â Vos bonnes paroles sèment tout dâun coup une grande inquiétude en moi. Avec ces trois personnages de notre côté, nous sommes en bien plus mauvaise posture que sans eux.
Le constat sâavérait réaliste. Si Lavergne et Bourassa se prononçaient en faveur des libéraux, certains impérialistes étendraient leur condamnation de trahison à lâensemble de lâorganisation de Laurier. Son interlocuteur acquiesça de la tête. Les autres sujets épuisés, il devait en venir à lâobjet le plus épineux de sa visite.
â Lors de votre dernière visite à Québec, vos électeurs sont demeurés un peu perplexes. Prêcher lâenrôlement volontaireâ¦
â Faites-vous à cette idée, je me propose de faire
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