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Le prix du sang

Le prix du sang

Titel: Le prix du sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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expliqua :
    â€” Lui-même le réalise très bien. C’est pour cela que des élections seront tenues très bientôt. En réalité, le peuple sera invité à sanctionner son initiative en le reportant au pouvoir.
    â€” … Il sera réélu.
    â€” Évidemment. Tout le Canada anglais lui donnera un appui majoritaire.
    â€” Ces gens sont tous conscriptionnistes!
    Encore une fois, Thomas s’emportait. Condamné à contrôler les écarts de langage de son fils à Québec, il se promettait de livrer le fond de sa pensée en ces lieux.
    â€” Voyons, n’exagérez pas, opposa son hôte. Plusieurs de nos compatriotes de langue anglaise n’approuvent pas, par exemple dans les milieux agricoles, chez les ouvriers.
    â€” Il sera tout de même réélu.
    â€” Oui. Nous devons livrer une campagne dure, dont le seul objectif sera de permettre au Parti libéral de survivre à la guerre et en tant qu’organisation nationale. Nous devons nous assurer de perdre en défendant des idées qu’une majorité de nos électeurs approuveront, une fois la paix revenue.
    Thomas hocha la tête en guise d’assentiment. Les Canadiens des deux communautés paraissaient pris d’une fièvre dans cette atmosphère de conflit. Les discours les plus outranciers, qui en d’autres circonstances susciteraient des ricanements méprisants chez la plupart, trouvaient des oreilles attentives. Les arguments libéraux devraient demeurer en dormance dans la tête des électeurs pour renaître en 1921 ou 1922, lors du rendez-vous électoral suivant.
    â€” L’idée de former un gouvernement d’union semble vous séduire, risqua le visiteur après une longue pause.
    â€” C’est du moins l’impression que j’ai tenté de donner.
    Comme les autres dirigeants des pays en guerre, le premier ministre Borden souhaitait partager avec ses opposants le coût politique de mesures difficiles, voire cruelles. Ceux qui aujourd’hui approuvaient la conscription risquaient de regretter ses effets une fois la paix revenue. Il avait offert à Laurier de former un gouvernement d’union, dont feraient partie des députés libéraux.
    â€” Dire tout simplement « non » se serait révélé désastreux, au niveau politique. Certains excités de la cause impérialiste cherchent des prétextes pour crier à la trahison. À la fin, je dirai non, mais en apportant une nuance importante : l’effort de guerre est trop mal dirigé pour que nous nous compromettions dans l’aventure avec les conservateurs.
    â€” … Tous les libéraux de langue anglaise risquent de quitter le parti, risqua Thomas.
    â€” Faites confiance aux militants libéraux. Plus exactement, des élus traverseront le parquet de la Chambre pour aller siéger avec nos adversaires afin de ne pas perdre leur salaire de député. Vous savez, une fois la paix revenue, les électeurs jugeront le plus souvent sévèrement un pareil comportement.
    La population aimait se montrer dure à l’égard de ses représentants. Certains opportunistes trouveraient peut-être la facture à payer élevée au moment de rendre des comptes à leur électorat.
    â€” Vous laisserez donc ces élus abandonner le parti, conclut Thomas.
    â€” Pourrais-je les en empêcher? Je serai beau joueur, je prétendrai respecter le choix de leur conscience. Mais en prononçant exactement ces mots, en réalité, j’inviterai les gens à porter sur eux un jugement moral.
    Le commerçant comprit l’ampleur des sacrifices déjà consentis par son chef afin de donner les meilleures chances d’avenir à son organisation politique. Autant se placer tout de suite sur la même longueur d’onde.
    â€” Avec ces défections, le Parti libéral deviendra exclusivement celui des Canadiens français. Comme nous sommes minoritaires, nous risquons de nous condamner à l’opposition pour l’éternité.
    â€” À vous entendre, dans cette pièce vous êtes le vieillard chagrin, et moi, l’homme tenant l’avenir entre ses mains. Secouez votre pessimisme. Dans tous les comtés du pays, un candidat se réclamera des idées libérales, et il ramassera au moins le tiers des voix. En 1921, je suis prêt à parier qu’une

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