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Le prix du sang

Le prix du sang

Titel: Le prix du sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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Après un long aparté sur le devoir de tous les Canadiens de se porter au secours des soldats déjà au front et de demeurer fidèles aux idéaux des héros tombés au champ d’honneur, l’objectif résonna enfin.
    â€” Le nombre d’hommes requis ne sera pas moins de cinquante mille, et plus probablement de cent mille.
    Le premier ministre comptait donc ajouter vingt pour cent au contingent. Au moment où il retrouva son fauteuil, tous ses collègues se levèrent pour lui faire une véritable ovation. Wilfrid Laurier se prépara à lui répondre, suscitant de son côté des applaudissements respectueux.
    â€” Mon très honorable ami a terminé ses observations en disant que nous sommes encore très éloignés de la fin du conflit. Je crains que ses paroles ne soient que trop vraies. Les événements qui se sont déroulés en Russie constituent une phase nouvelle de la guerre sur laquelle nous n’avions pas tablé.
    L’enthousiasme des conservateurs, sur le parquet ou dans les gradins improvisés le long des murs, se fit plus discret. L’entrée des États-Unis dans le conflit s’avérait trop récente pour changer quoi que ce soit au front occidental. Comme la Russie se retirait du côté de l’est, l’Allemagne pouvait au bas mot ramener un million de soldats du côté de la France et de la Belgique. Les Alliés auraient du mal à maintenir la ligne de défense.
    Tous attendaient toutefois sa réponse à la proposition de conscription. Ils seraient déçus :
    â€” Quant aux méthodes que le Canada devra employer relativement à la poursuite de la guerre, je n’ai qu’à dire ceci, que le Canada entend participer à la guerre jusqu’à la fin, jusqu’à ce que la victoire ait été obtenue. Concernant les moyens que nous devrons adopter dans le but de diriger nos soldats vers le front et de remplir jusqu’à la fin le devoir que nous sommes tous déterminés à accomplir, beaucoup de considération sera requise avant que la politique traditionnelle suivie par ce pays soit mise au rancart. Je ne fais aucune observation à cette heure.
    Les impérialistes grommelèrent. Thomas s’amusa de leur déconvenue. Des paroles semblables pouvaient satisfaire tout le registre des opinions canadiennes. Le politicien termina par une déclaration de loyauté.
    â€” La seule chose que je dis, et à laquelle j’engage la parole et le jugement de mes collègues, c’est que nous n’avons d’autre intention que celle de demeurer dans la guerre jusqu’à la fin et que nous sommes résolus à accomplir notre devoir au meilleur de notre jugement, de façon à assurer que les meilleures méthodes soient adoptées pour atteindre cette victoire à laquelle nous aspirons tous et que nous souhaitons tous comme une certitude.
    Au moment où le vieil homme reprit sa place, chacun se sentit obligé d’applaudir. Comment siffler après une invitation à tout faire pour la victoire… Mais tous devinaient, sans pouvoir l’en accuser encore ouvertement, que la conscription lui répugnait.
    Thomas quitta le vieux musée Victoria avec le sourire, certain de conserver le comté de Québec-Est au vieux chef.
    * * *
    Comme les voyages, les événements politiques dramatiques entraînaient l’acceptation de compagnons de lit étranges. Armand Lavergne n’eut pas à aller bien loin pour trouver une salle discrète, le Château Frontenac abritait plus que sa part de conspirateurs. Les invités arrivaient en douce l’un après l’autre, pour se voir diriger au bon endroit par Édouard Picard, convertit en cicérone pour l’occasion.
    Ã€ huit heures, le président et le vice-président de la Jeunesse libérale, Oscar Drouin et Léon Casgrain, encadraient l’un des rares espoirs francophones du Parti conservateur, Charles Dorion. D’autres, comme l’architecte Wilfrid Lacroix, se trouvaient déjà dans la mouvance libérale et deviendraient un jour député fédéral pour ce parti. Le plus expérimenté du groupe, excepté Lavergne bien sûr, était l’échevin Eugène Dussault. Toutes ces personnes flirtaient toutefois avec le mouvement nationaliste.
    Ces politiciens s’interpellaient joyeusement

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