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Le prix du sang

Le prix du sang

Titel: Le prix du sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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de celle-ci : presque cinquante-sept pour cent des voix, et cent cinquante-trois des deux cent trente-cinq circonscriptions.
    Au moment de quitter l’Auditorium, Thomas ne se priva pas de conclure avec ironie :
    â€” Nous voilà avec une bonne et une mauvaise nouvelle.
    â€” Je me demande quelle est la bonne.
    â€” Armand Lavergne a été battu dans Montmagny. Édouard ricana, avant de remarquer :
    â€” Tu es rancunier.
    â€” Moi? Si j’étais rancunier, je lui mettrais une pierre au cou et je le jetterais dans le bassin Louise. Puis, tu sais, la mauvaise nouvelle n’est pas celle que tu penses.
    â€” … La défaite de Laurier?
    Thomas s’arrêta dans le hall de l’Auditorium. Des policiers militaires se tenaient à tous les trois pas, ceux de la ville battaient la semelle sur le trottoir, devant l’édifice.
    â€” Comme les registres des recruteurs se trouvent dans les bureaux administratifs, à l’étage de cet immeuble, je suppose qu’ils craignent les manifestants.
    â€” Tu me le diras, à la fin?
    â€” Quoi?
    â€” La mauvaise nouvelle?
    Une fois dehors, le marchand s’arrêta devant la porte du YMCA, posa les yeux sur les jeunes gens sur la place du marché Montcalm. Ils devaient bien être un millier maintenant, malgré le froid. Les résultats mis à jour avaient été affichés à la porte de la salle de spectacle pendant toute la soirée. La colère grondait parmi eux.
    â€” Tu n’as pas compris? À présent, le pays se trouve brisé en deux : le Québec libéral, le reste du pays unioniste; le Québec contre la conscription, le reste du pays en sa faveur.
    â€” Peut-être que la fédération a simplement fait son temps.
    Devant le grand édifice de pierre grise du marché, quelqu’un entonna le Ô Canada alors que d’autres brandissaient le drapeau Carillon-Sacré-Cœur. Ces personnes paraissaient lui donner raison.
    * * *
    Les voix tonitruantes remplissaient la rue de la Fabrique. Les mots devinrent parfaitement audibles alors que la colonne désordonnée passait devant la boutique. La suite de l’hymne fut rapidement indistincte.
    Â 
    Sous l’œil de Dieu,
    Près du fleuve géant,
    Le Canadien grandit en espérant…
    Â 
    â€” Donc, conclut Thalie, Borden a gagné ses élections.
    L’ironie dans sa voix sonnait faux. Sa mère, Françoise et elle surveillaient la rue, debout dans l’obscurité, assez loin des vitrines pour ne pas attirer l’attention.
    â€” Voilà encore le Chronicle et l’ Événement condamnés à enrichir les vitriers, commenta Françoise.
    â€” À leur place, je mettrais des contreplaqués dans mes vitrines… ragea Marie. Je songerai aussi à le faire si les choses ne se calment pas.
    Après avoir lancé des pierres dans les fenêtres de l’Auditorium, les manifestants s’étaient répandus dans les rues, les policiers à leur trousse. Partout dans la ville, du verre encombrerait les trottoirs au lever du soleil.
    â€” Cela semble terminé, mais je n’ose pas remonter, fit la marchande après de longues minutes de calme.
    â€” Nous pouvons toujours prendre les chaises dans la salle de repos, proposa Thalie, et nous asseoir. D’un autre côté, comme ces hommes ne sont pas silencieux, nous pourrons descendre à nouveau s’ils reviennent.
    Aucune d’elles ne pourrait s’opposer à des protestataires en colère. Elles croyaient tout de même que leur seule présence les calmerait, si certains arrivaient à s’introduire dans le commerce. Elles regagnèrent l’appartement après une nouvelle heure de vigie.
    * * *
    Les jours suivant l’élection fédérale, l’agitation ne cessa pas dans les rues de la ville. Après leur journée de travail, les ouvriers se massaient spontanément sur les places des marchés Saint-Roch, Jacques-Cartier, Montcalm et Champlain. Il se trouvait toujours un orateur, un étudiant ou un jeune professionnel, plus rarement un chef syndical, désireux de construire sa carrière sur l’indignation populaire. Le tout se terminait par de grandes parades bruyantes, au son du Ô Canada ou de La Marseillaise . Craignant d’être débordée, peu confiante dans le service d’ordre municipal, la police

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