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Le quatrième cavalier

Le quatrième cavalier

Titel: Le quatrième cavalier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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voir les trois cent
cinquante hommes d’Alfred marchant ou chevauchant, et à quelque distance les
cinq ou six cents de la fyrd du Sumorsæte qui avaient campé au sud du
marais et venaient nous rejoindre. La plupart des hommes d’Æthelingæg étaient
de vrais soldats, rompus au mur de boucliers. J’avais voulu qu’Eofer, le
vaillant archer, nous rejoigne. Mais il ne pouvait combattre sans que sa nièce
le lui ordonne et je dus y renoncer, car il n’était pas question d’emmener une
enfant à la guerre. Bon nombre de femmes et d’enfants suivaient la colonne, mais
Alfred avait envoyé Ælswith et les siens au sud, à Scireburnan, sous la garde
de quarante hommes dont nous aurions eu bien besoin. Elle devait attendre
là-bas et, en cas de victoire des Danes, fuir pour la Franquie, en emportant
tous les livres qu’elle pourrait trouver à Scireburnan : Alfred voulait
sauver les Évangiles, vies des saints et pères de l’Église, histoires et
philosophes, afin d’en éduquer son fils Edward et d’en faire un roi en exil
lettré.
    Iseult accompagnait l’armée avec Hild et Eanflæd, qui avait
tenu à suivre Leofric. Les femmes menaient les chevaux de somme qui
transportaient boucliers, vivres et lances. Presque toutes portaient une arme
quelconque. La nonne Hild, voulant se venger des Danes qui l’avaient faite
putain, avait un long coutelas.
    — Dieu aide les Danes, avait remarqué le père Pyrlig en
les voyant, si cette bande se jette sur eux.
    Nous avancions sous un Ciel printanier et dans une campagne
fleurie. Les prêtres chantaient toujours, et parfois les hommes qui suivaient
les deux porte-bannières d’Alfred entonnaient un chant guerrier.
    — Iseult chante parfois pour toi, n’est-ce pas ? demanda
Pyrlig en battant la mesure.
    — Oui.
    — Nous autres Bretons aimons chanter ! Je dois lui
enseigner quelques hymnes. (Puis, voyant mon regard noir :) Point d’inquiétude,
Uhtred, elle n’est pas chrétienne.
    — Vraiment ? m’étonnai-je.
    — Je suis navré que tu ne sois venu à son baptême. Que
cette eau était froide ! Elle m’a gelé !
    — Elle est baptisée, mais vous dites qu’elle n’est
point chrétienne ?
    — Elle l’est et ne l’est point, sourit-il. Elle l’est
pour l’heure, car elle marche parmi les chrétiens. Mais c’est toujours une
reine de l’ombre, et elle ne l’oubliera point.
    — Vous croyez aux reines de l’ombre ?
    — Bien sûr ! Bon Dieu, mon garçon ! C’en est
une ! s’exclama-t-il en se signant.
    — Le frère Asser la traitait de sorcière.
    — C’est compréhensible, puisqu’il est moine ! Il a
grande peur des femmes, le frère Asser, sauf si elles sont fort laides, alors
il les rudoie. Mais montre-lui une belle fleur et il en est tout retourné. Il
déteste le pouvoir des femmes.
    — Leur pouvoir ?
    — Non point seulement leur giron, si attirant soit-il, mais
le vrai pouvoir. Ma mère le possédait. Elle n’était point reine de l’ombre, mais
guérisseuse et devineresse.
    — Elle voyait l’avenir ?
    — Non, mais elle savait ce qui se passait au loin. Quand
mon père mourut, elle poussa un cri à se tuer. Et elle avait raison. Le pauvre
homme avait été tranché en deux par un Saxon. Mais elle était surtout une
grande guérisseuse. On venait la voir de cent lieues à la ronde. Elle était
peut-être née saxonne, mais ils marchaient pendant une semaine pour qu’elle
pose sa main sur eux. Moi, j’y avais droit gratis ! Elle me battait, mais
je sais que je le méritais, et c’était une grande guérisseuse. Et bien sûr, les
prêtres n’aimaient point cela.
    — Pourquoi ?
    — Parce qu’ils enseignent au peuple que tout pouvoir
vient de Dieu. Quand les gens sont malades, l’Église veut qu’ils prient et
donnent de l’argent aux prêtres. Ceux-là n’aiment point que le peuple aille se
faire guérir par des femmes. Mais pourraient-ils faire autrement ? La main
de ma mère, Dieu l’ait en sa sainte garde, était meilleure que toute prière et
que tous les sacrements ! Quant à ton Iseult, elle est née avec le pouvoir
et ne le perdra point.
    — Le baptême ne l’en a point lavée ?
    — Pas du tout ! Cela l’aura lavée et fort
rafraîchie. Il n’y a rien de mal à prendre un bain une ou deux fois l’an, dit-il
en riant. Mais elle avait peur, dans le marais. Comme tu étais parti et que
tous ces Saxons crachaient qu’elle était païenne, que croyais-tu qu’elle

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