Le quatrième cavalier
trois. Deux grands
piliers surmontés d’une roche. Les géants la bâtirent dans l’ancien temps.
Les messages furent envoyés, ordonnant à chaque homme de
prier pour que ce qui restait du Wessex se rassemble à la Pierre d’Egbert et
mène bataille contre les Danes. À peine les parchemins furent-ils envoyés qu’un
désastre survint, une semaine avant la date prévue.
Huppa, ealdorman de Thornsæta, écrivit que quarante navires
danes croisaient devant ses côtes et qu’il n’osait point emmener la fyrd. Pire :
il suppliait Harald de Defnascir de lui envoyer des hommes.
La missive abattit Alfred. Il s’était accroché à l’espoir de
prendre Guthrum par surprise en levant une armée, et tout s’écroulait. Lui qui
avait toujours été maigre était hagard et passait des heures à l’église à
lutter avec Dieu, incapable de comprendre pourquoi le Tout-Puissant se
retournait soudain contre lui. Deux jours après, Svein du Cheval-Blanc mena trois cents cavaliers dans les collines bordant le marais. Des hommes de
la fyrd du Sumorsæte s’étant rassemblés à Æthelingæg, Svein s’en aperçut
et vola leurs chevaux. Nous n’avions ni la place ni le fourrage pour les garder
sur l’île même, voilà pourquoi ils pâturaient au-delà du canal. C’est sous mes
yeux que Svein, drapé dans sa cape blanche, montant son cheval blanc et coiffé
de son casque à plumet blanc, emmena les bêtes. Je ne pus rien faire. J’avais
vingt hommes au fort, et Svein en menait des centaines.
— Pourquoi les chevaux n’étaient-ils point gardés ?
demanda Alfred.
— Ils l’étaient, dit Wiglaf, ealdorman de Sumorsæte, et
les gardes ont péri. (Il vit la colère d’Alfred, mais pas son désespoir.) Nous
n’avions point vu de Dane ici depuis des semaines, plaida-t-il. Comment
pouvions-nous savoir qu’ils viendraient en nombre ?
— Combien d’hommes ont péri ?
— Seulement douze.
— Seulement ? frémit Alfred. Et combien de chevaux
avons-nous perdus ?
— Soixante-trois.
À la veille de l’Ascension, Alfred se promena au bord de la
rivière. Beocca, fidèle comme un chien, le suivait à quelques pas, voulant le
réconforter, mais ce fût moi qu’Alfred manda. Au clair de lune, ses joues
étaient encore plus creusées, et ses yeux pâles presque blancs.
— Combien d’hommes aurons-nous ? demanda-t-il.
— Deux mille. Peut-être un peu plus.
Il grommela. Nous étions trois cent cinquante hommes à
Æthelingæg et Wiglaf, ealdorman de Sumorsæte, en avait promis mille, mais je
doutais de leur venue. La fyrd de Wiltunscir avait été affaiblie par la
trahison de Wulfhere, mais le sud du comté pourrait envoyer cinq cents hommes, et
nous pouvions en attendre quelques-uns d’Hamptonscir. En dehors de cela, nous
dépendions des quelques hommes qui parviendraient à franchir les garnisons de
Danes. Si le Defnascir et Thornsæta avaient envoyé leurs fyrds, nous
aurions approché les quatre mille, mais elles n’arrivaient pas.
— Et Guthrum en aura combien ?
— Quatre mille.
— Probablement cinq mille, rectifia Alfred en
contemplant la rivière qui bouillonnait autour des nasses. Devrions-nous nous
battre ?
— Avons-nous le choix ?
— Nous l’avons, Uhtred, sourit-il. Nous pouvons fuir en
Franquie. Je deviendrais roi en exil et prierais que Dieu me ramène.
— Vous croyez que Dieu le fera ?
— Non, avoua-t-il, sachant que s’il fuyait il mourrait
en exil.
— Nous combattrons donc.
— Et sur ma conscience, je porterai éternellement le
poids de tous ces hommes morts pour une cause sans espoir. Deux mille contre
cinq mille ? Comment puis-je justifier cela ?
— Vous le savez.
— Pour être roi ?
— Pour n’être point esclaves sur notre propre terre.
Il songea à cela un moment. Une chouette nous survola
soudain dans un froissement de plumes blanches. C’était un présage, bien sûr, mais
de quelle nature ?
— Peut-être est-ce notre châtiment, dit Alfred.
— Pour quoi ?
— Pour avoir pris la terre des Bretons.
Pour moi, c’était absurde. Si le dieu d’Alfred voulait le
punir que ses ancêtres aient pris la terre des Bretons, pourquoi envoyait-il
les Danes et pas les Bretons ? Dieu pouvait ressusciter Arthur et laisser
son peuple se venger, mais pourquoi envoyer un nouveau peuple prendre la terre ?
— Vous voulez le Wessex ou pas ? demandai-je
brutalement.
— Dans ma conscience, sourit-il tristement, je ne
trouve nul
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