Le quatrième cavalier
nous.
— Pensais-tu vraiment que j’allais t’attaquer ? cria-t-il.
— Je l’espérais, rétorquai-je, ainsi je n’aurais pas eu
à partager le butin avec toi.
Il lâcha sa hache et vint nous rejoindre. Je l’étreignis. De
part et d’autre, les hommes abaissèrent leurs armes.
— Allons-nous nous emparer du village de ce gueux ?
demanda-t-il.
Nous redescendîmes donc tous. Personne ne gardant le village,
il fut facile d’y pénétrer. Quelques hommes, très peu, tentèrent de défendre
leurs maisons. La plupart avaient couru vers la grève, mais ils ne disposaient
pas d’assez de bateaux pour fuir. Les hommes de Svein les acculèrent et commencèrent
à trier les personnes utiles et les morts : les premiers étaient les
jeunes femmes et les adultes destinés à être vendus comme esclaves.
Je ne m’en mêlai pas. Avec tous mes hommes, je me rendis à
la demeure de Peredur. Certains Danes, songeant que là se trouverait l’argent, nous
suivirent, mais je fus le premier à pousser la porte et à y trouver Iseult.
Je jure qu’elle m’attendait, car son visage ne montra ni
crainte ni surprise. Elle était assise sur le trône du roi et se leva comme
pour me souhaiter la bienvenue. Puis elle ôta de son cou, de ses bras et de ses
chevilles ses bijoux d’argent et me les tendit sans un mot.
— Partage avec Svein, dis-je à Leofric en les lui
confiant.
— Et elle ? s’amusa-t-il. Tu comptes aussi la
partager ?
Pour toute réponse, j’ôtai sa cape à Iseult. Elle portait une
robe noire. De mon épée, je déchirai dans la cape une lanière dont je nouai une
extrémité à son cou et l’autre à ma ceinture avant de lui rendre sa cape.
— Elle est mienne, dis-je.
D’autres Danes arrivaient et certains fixaient avidement
Iseult quand Svein entra et leur ordonna de creuser à la recherche d’argent
caché. Il sourit en voyant la laisse d’Iseult.
— Tu peux l’avoir, Saxon, dit-il. Elle est jolie, mais
je les préfère avec plus de chair sur les os.
Je gardai Iseult auprès de moi lorsque nous festoyâmes cette
nuit-là. Il y avait au village quantité d’ale et d’hydromel, et Svein et moi
ordonnâmes à nos hommes de ne pas se battre entre eux. Cependant, quelques-uns
se querellèrent pour les femmes capturées ; l’un des garçons que j’avais
emmenés de mes terres prit un coup de couteau dans le ventre et mourut au matin.
— C’est Alfred qui t’envoie ? demanda Svein, amusé
que nous soyons saxons.
— Non.
— Il ne veut point se battre, n’est-ce pas ?
— Il se battra, dis-je, mais il pense que son dieu se
battra pour lui.
— Alors il est idiot. Les dieux ne font pas notre
travail, hélas ! Que fais-tu ici, alors ?
— Je cherche de l’argent, tout comme toi.
— Je cherche des alliés.
— Des alliés ?
Il était assez ivre pour parler plus librement, et je
compris que c’était bien le Svein dont on disait qu’il rassemblait des hommes
en pays de Galles. Il l’admit, ajoutant qu’il ne disposait pas d’un nombre
suffisant de guerriers.
— Guthrum peut mener deux mille hommes à la bataille. Je
ne puis rivaliser.
Il était donc contre Guthrum, songeai-je.
— Penses-tu que les hommes de Cornwalum combattront
avec toi ? demandai-je.
— Ils l’ont promis. C’est pourquoi je suis ici. Mais
ces bâtards ont menti. Callyn n’est point roi, mais chef d’un village ! Je
perds mon temps, ici.
— À nous deux, pourrions-nous battre Callyn ?
— Nous le pourrions, dit-il après réflexion.
Il fronça soudain les sourcils en fixant la pénombre, et je
vis qu’il regardait un de ses hommes tenant une fille sur ses genoux. D’évidence,
elle lui plaisait. Il frappa la table, la désigna et fit signe à l’homme qui la
lui amena à contrecœur. Svein l’assit, dégrafa sa tunique pour voir ses seins
et lui donna une chope d’ale.
— J’y songerai, me dit-il.
— Ou bien est-ce à m’attaquer que tu songes ?
— Tu es Uhtred Ragnarson, sourit-il. Et j’ai entendu le
récit de la bataille à la rivière où tu as tué Ubba.
J’avais manifestement plus grande réputation chez mes
ennemis que parmi mes prétendus amis. Sur l’insistance de Svein, je racontai la
mort d’Ubba, disant la vérité : Ubba avait trébuché, était tombé, ainsi
avais-je pu le tuer.
— Mais on dit que tu as bien combattu, déclara Svein.
Iseult écoutait tout cela. Elle ne parlait point notre
langue, mais elle semblait
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